Ploum.net le blog de Lionel Dricot 2024-07-21T13:31:50.570774Z https://ploum.net/ Ploumhttps://ploum.net Pour une mémoire commune numérique https://ploum.net/2024-07-21-memoire-commune-numerique.html 2024-07-21T00:00:00Z 2024-07-21T00:00:00Z <h1>Pour une mémoire commune numérique</h1> <h2 id="soustitre-1">L’amnésie d’Internet</h2> <p>Internet est un lieu d’échange, mais sa mémoire est volatile. Nous avons tous connu des sites qui disparaissent, des ressources qui deviennent inaccessibles. Personnellement, j’ai perdu tous mes sites web avant ce blog. J’ai perdu tout ce que j’ai posté sur les réseaux sociaux, particulièrement Google+ où j’étais très actif.</p> <p>Cela m’a servi de leçon. La simplification à outrance de ce blog est une manière pour moi de le pérenniser. </p> <ul> <li><a href="/2022-12-04-fin-du-blog-et-derniere-version.html">La fin d’un blog et la dernière version de ploum.net (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Tout le monde ne pense pas comme moi ou ne réalise pas l’importance de l’archivage.</p> <p>Toutes les archives du site de MTV, la chaine télé musicale qui a marqué ma génération, viennent d’être irrémédiablement effacées.</p> <ul> <li><a href="https://www.showbiz411.com/2024/06/25/paramount-shuts-down-mtv-website-wipes-history-after-20-plus-years">Paramount Erases Archives of MTV Website, Wipes Music, Culture History After 30 Plus Years (www.showbiz411.com)</a></li> </ul> <p>Cela va continuer. Avec le Web en 91 puis les smartphones en 2007, Internet s’est complètement insinué dans la société et la vie de tous les humains. Mais c’est très récent. Tellement récent que nous n’avons aucun recul sur ce que cela signifie sur le long terme. </p> <p>Rappelons que les protocoles à la base d’Internet ont été conçus en imaginant que le stockage serait cher, mais que la bande passante serait bon marché. Internet est donc un réseau de routage de paquets sans aucune capacité de mémoire. Mémoriser ne fait pas partie de sa structure intrinsèque. Le réseau est conçu pour échanger et oublier.</p> <p>Ironiquement, l’inverse s’est passé : le stockage est devenu meilleur marché que la bande passante. Mais la technologie ne s’est pas adaptée. Les humains non plus. Nous échangeons à toute vitesse des informations que nous oublions tout aussi vite.</p> <p>Il n’y a, à ce jour, qu’une seule technologie qui a fait ses preuves pour nous souvenir et améliorer notre mémoire collective dans la durée : l’écriture. Les livres. Les livres qui, à l’exception d’incendies dramatiques, résistent aux millénaires, aux multiples lectures, aux annotations, à l’écorchage de leurs pages.</p> <p>Internet et les livres resteront toujours complémentaires. Le premier pour nous mettre en contact et nous permettre d’échanger en temps réel. Les seconds pour nous permettre de nous souvenir et d’échanger à travers les années et les siècles.</p> <h2 id="soustitre-2">La mémoire de la ligne de commande</h2> <p>Sur Internet, on passe son temps à réinventer la roue alors que la solution existe probablement. D’où cette question provocante, mais incroyablement pertinente : pourquoi ne pas utiliser SSH pour tout ?</p> <ul> <li><a href="https://shazow.net/posts/ssh-how-does-it-even/">Why aren’t we using SSH for everything? (shazow.net)</a></li> </ul> <p>Exemple avec un chat qui enfonce les Slack et autres Teams tout en ne nécessitant rien d’autre qu’un client ssh.</p> <ul> <li><a href="https://github.com/quackduck/devzat">quackduck/devzat: The devs are over here at devzat, chat over SSH! (github.com)</a></li> </ul> <p>SSH all the things!</p> <p>On me rétorquera que c’est plus compliqué. Je réponds que pas du tout. Il faut juste apprendre tout comme nous avons appris à cliquer sur des liens. Il faut arrêter de prendre les utilisateurs pour des nuls et expliquer des choses qui pourront leur servir toute leur vie.</p> <p>Une fois le principe de base d’une ligne de commande compris, un ordinateur devient une machine incroyable qui obéit aux ordres qu’on lui donne et non plus une boîte noire magique dont il faut deviner ce qu’elle veut qu’on fasse. La ligne de commande contrôle l’ordinateur là où le GUI contrôle l’utilisateur. </p> <p>Retenir une ligne de commande est très simple : il suffit de l’écrire quelque part. Par exemple dans un livre. Retenir une action à accomplir dans une interface graphique est très difficile. De toute façon, elle change tout le temps.</p> <p>Autre point sous-estimé : une ligne de commande se partage très simplement. La ligne de commande est, par essence, sociale. Le GUI est solitaire. Comme cette fois où j’ai tenté, par téléphone, d’aider ma mère à installer un logiciel sous Ubuntu. Comme je n’arrivais pas à lui dire où cliquer, j’ai fini par lui faire lancer un terminal et lui dicter la commande. Ça a fonctionné du premier coup (j’ai juste dû lui prévenir que c’était normal que son mot de passe ne s’affiche pas, qu’il fallait le taper à l’aveugle).</p> <ul> <li><a href="https://mtlynch.io/notes/guis-are-antisocial/">GUIs are Antisocial (mtlynch.io)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-3">Software Supply Chain contre Communs numériques</h2> <p>Dans un billet précédent, j’explique que contribuer à l’open source doit être vu comme une contribution aux communs et, de ce fait, il faut favoriser les licences Copyleft qui imposent de reverser aux communs toute modification/contribution ultérieure.</p> <ul> <li><a href="/2024-07-01-opensource_sustainability.html">On Open Source and the Sustainability of the Commons (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Ces 20 dernières années sont une leçon que si l’Open Source a gagné, c’est essentiellement parce que les grosses entreprises utilisent l’Open Source comme un gigantesque réservoir de main-d’œuvre gratuit. Elles vont même jusqu’à se plaindre quand un logiciel casse leur produit alors même qu’elles n’ont jamais acheté ce logiciel ni contribué.</p> <p>Thomas Depierre pointe l’erreur de logique: les entreprises parlent de « Supply Chain » (chaine des fournisseurs), mais lorsqu’on écrit du code Open Source, on n’est pas un fournisseur. Et on n’a pas spécialement envie de le devenir. Un truc que les entreprises ont du mal à comprendre « Si on a ce code dans notre produit, il provient soit de chez nous, soit d’un fournisseur, non ? ». Et bien non.</p> <ul> <li><a href="https://www.softwaremaxims.com/blog/not-a-supplier">I am not a supplier (www.softwaremaxims.com)</a></li> <li><a href="gemini://njms.ca/gemlog/2024-07-04.gmi">The software supply chain is something they&#x27;ve done to themselves (njms.ca)</a></li> </ul> <p>La meilleure solution est pour moi d’utiliser des licences copyleft et, plus spécifiquement la licence AGPL qui impose le copyleft y compris pour les utilisateurs réseau. En clair, s’il est prouvé que Google utilise du code copyleft dans son moteur de recherche, n’importe quel utilisateur a le droit dé réclamer le code de tout le moteur Google.</p> <p>Inutile de dire que les entreprises sont terrifiées à cette idée et qu’elles fuient le code GPL/AGPL comme la peste. C’est la raison pour laquelle le noyau Linux, sous GPL, est complètement isolé du reste du système dans Android. À part Linux, Apple, Google et Microsoft considèrent le GPL comme un véritable cancer. Les serveurs Netflix ou la PlayStation Sony sont sous FreeBSD par crainte de la GPL. macOS se base également sur BSD en évitant le monde Linux par peur d’être contaminé à la GPL.</p> <p>Ils ont tellement peur qu’ils accusent les licences copyleft d’être « restrictives ». Non. La seule restriction que vous impose le copyleft, c’est de vous interdire d’ajouter des restrictions à vos utilisateurs. Il est interdit d’interdire.</p> <ul> <li><a href="https://drewdevault.com/2024/04/19/2024-04-19-Copyleft-is-not-restrictive.html">Copyleft licenses are not “restrictive” (drewdevault.com)</a></li> </ul> <p>Alors, oui, au plus il y aura du code sous licence AGPL, au moins les entreprises considéreront les développeurs open source comme des fournisseurs. Plus il y aura de code sous licence copyleft, plus large sera notre mémoire commune numérique.</p> <p>TL;DR: release your code under the AGPL</p> <p>Bon, après, je dis AGPL, mais je suis seulement en train de découvrir qu’en droit européen, il est bien possible que l’EUPL soit préférable. Mais, dans l’esprit, les deux sont équivalentes.</p> <ul> <li><a href="https://joinup.ec.europa.eu/collection/eupl/discussion/how-does-fsf-considers-eupl">How does FSF considers EUPL? (joinup.ec.europa.eu)</a></li> </ul> <div class="signature"><p>Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser <a href="/atom_fr.xml">mon flux RSS francophone</a> ou <a href="/atom.xml">le flux RSS complet</a>.</p> <p>Pour me soutenir, <a href="/livres.html">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) ! Je viens justement de publier un <a href="/et-autres-joyeusetes-que-nous-reserve-le-futur/index.html">recueil de nouvelles</a> qui devrait vous faire rire et réfléchir. Je fais également partie du <a href="/2023-12-12-sf-en-vf.html">coffret libre et éthique « SF en VF »</a>.</p> </div> Ploumhttps://ploum.net Petit dictionnaire du spammeur https://ploum.net/2024-07-03-dico-du-spam.html 2024-07-03T00:00:00Z 2024-07-03T00:00:00Z <h1>Petit dictionnaire du spammeur</h1> <p>Le but de la publicité est de vous faire consommer plus. Donc de vous faire polluer plus. C’est, écologiquement, une activité criminelle et moralement injustifiable.</p> <p>Mais il y a pire que la destruction de la planète ! Après tout, détruire la planète, tout le monde le fait. C’est devenu banal.</p> <p>Ce qui est unique à la publicité, c’est l’envahissement permanent de notre espace mental, de nos inbox, de tous nos canaux de communication. On parle alors de « spam ».</p> <p>Le spam est à la fois un crime écologique à l’échelle de la planète et une atteinte morale envers l’individu.</p> <p>Pour s’acheter une façade de respectabilité, les criminels se sont contentés de changer de nom. Voici donc un petit dictionnaire pour vous aider à y voir clair.</p> <h2 id="soustitre-1">Ce n’est pas parce que vous appelez vos spams autrement que vous n’êtes pas un enfoiré de spammeur</h2> <p>Agence marketing : Entreprise spécialisée dans la production de spam</p> <p>Spécialiste marketing : spammeur</p> <p>Mailing : spam</p> <p>Cold-mailing : spam (et assumé comme tel)</p> <p>Communication : spam</p> <p>Stratégie de com : série de nombreux spams</p> <p>Newsletter : spam (sauf lorsque les abonnés ont explicitement et volontairement fait des démarches pour recevoir les emails. Si vous avez obtenu une liste d’adresses email pour votre newsletter d’une source externe, vous êtes un spammeur. Si l’abonnement se fait en oubliant de cocher une case, vous êtes un spammeur. Si vous n’êtes pas certain, vous êtes un spammeur.)</p> <p>Influenc·eur·euse : diffuseur de spam, mais qui a l’air cool</p> <p>Partenariat : contrat liant une agence marketing et l’influenc·eur·euse</p> <p>Ambassad·eur·rice : influenc·eur·euse qui vient de signer un partenariat </p> <h2 id="soustitre-2">Vous êtes probablement le méchant du film</h2> <p>Si vous participez à l’une des activités ci-dessus, c’est que vous pourrissez la vie des autres pour nous tenter de convaincre de pourrir à notre tour la planète. Vous êtes une cause majeure du problème.</p> <p>Oui, vous, qui envoyez des newsletters à toutes les personnes qui sont passées dans votre magasin, votre hôtel ou un train de votre réseau : vous êtes un·e enfoiré·e de spammeur. </p> <p>Si vous vous en gargarisez sur LinkedIn avec les termes ci-dessus, avouez qu’on peut difficilement faire autre chose que de vous demander d’aller vous faire foutre. </p> <p>Et si vous trouvez que ce billet exagère, qu’on ne peut pas mettre tout le monde dans le même bateau, qu’il faut bien que vous fassiez votre boulot : vous êtes un·e enfoiré·e de spammeur, mais vous ne l’assumez pas. Oui, vous êtes le méchant du film et vous êtes trop hypocrite pour oser vous l’avouer.</p> <ul> <li><a href="gemini://ploum.net/desabonnez-moi/index.gmi">À lire aussi: Désabonnez-moi ! (ploum.net)</a></li> <li><a href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Dog_excrement_under_feet.jpg">Photo par Rkoblizek</a></li> </ul> <div class="signature"><p>Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser <a href="/atom_fr.xml">mon flux RSS francophone</a> ou <a href="/atom.xml">le flux RSS complet</a>.</p> <p>Pour me soutenir, <a href="/livres.html">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) ! Je viens justement de publier un <a href="/et-autres-joyeusetes-que-nous-reserve-le-futur/index.html">recueil de nouvelles</a> qui devrait vous faire rire et réfléchir. Je fais également partie du <a href="/2023-12-12-sf-en-vf.html">coffret libre et éthique « SF en VF »</a>.</p> </div> Ploumhttps://ploum.net On Open Source and the Sustainability of the Commons https://ploum.net/2024-07-01-opensource_sustainability.html 2024-07-01T00:00:00Z 2024-07-01T00:00:00Z <h1>On Open Source and the Sustainability of the Commons</h1> <p>TL;DR: put your open source code under the AGPL license.</p> <p>Much have been said about the need to pay Open Source developers for their work and the fact that huge corporations use open source software without contributing back.</p> <p>Most articles I’ve been reading on the subject completely miss the mark. Plenty of commentators try to reinvent some kind of &quot;free software but with forced contributions&quot; or &quot;free software but non-commercial&quot;. Those are naive and wrong. If you impose limitations, it’s, by definition, not free software anymore.</p> <p>The problem is not about Open Source or Free Software. The problem is everything else.</p> <p>Open Source utopia, as envisioned until the first decade of this millennium, was to create a huge, powerful stack of open-source software that would serve as the foundations of any human endeavour. Including building businesses or, for some, proprietary products. Free Software would be part of the commons, a huge natural pool of resources. Every business would be small in comparison. Just like we allowed private companies to sell water (a common good) thinking the companies would be small compared to the nearly infinite supply of water.</p> <p>We were naive.</p> <p>What we got is more or less the opposite: huge monopolistic corporations and lots of small fragmented free software pieces that connect them. Bottled soda factories pumping so much water that whole populations start to suffer from the lack of fresh water and, as a consequence, being forced to buy bottled water.</p> <p>Technically, Open Source won. Politically, it lost. The reason is simple: it was easier to build consensus around technical solutions, washing away political implications that were seen as out of scope or too hard to agree.</p> <p>Every megacorporation is now built on top of free software. But they managed to make it effectively proprietary by hiding their code behind web interfaces. When publicly distributed, the open-source code is hidden behind layers of indirection bypassing any packaging/integration effort, relying instead on virtualisation and downloading dependencies on the fly. Thanks to those strategies, corporations could benefit from open source code without any consequence. The open source code is, anyway, mostly hosted and developed on proprietary platforms.</p> <p>Even hardcore free software geeks now use some dependencies/plugins mechanisms that are hardcoded to only look at Github. Through nested dependencies, millions of people are running code directly downloaded from Github without even realising it. </p> <ul> <li><a href="/2023-02-22-leaving-github.html">We need to talk about your Github addiction (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Due to the original open-source utopia paradigm, every time a developer push free code on Github, she feels like she’s contributing to the commons. But, effectively, she’s pushing code into production in hundreds of exploitive corporate projects. When a problem occurs, per corporate tradition, pressure and blame fall on the maintainer. Even if that maintainer is not on the payroll.</p> <h2 id="soustitre-1">Paying the Maintainer Makes the Problem Worse</h2> <p>That will be an extremely unpopular opinion but I’m convinced that paying the contributor/maintainer a dime is not the solution. It worsen the situation. It acknowledges the responsibility of the aforementioned maintainer and legitimises the exploitation. </p> <p>We need to remember that most (if not all) free software is provided, &quot;without liability&quot;. That rule should be enforced. We should not care about corporations. If there was no support contract prior hand, let them burn. Trying to force corporations to pay the maintainer is like trying to force landlords to pay firefighters only if their house is burning. Or agreeing that a factory should give a small tip to volunteers cleaning the river it is polluting.</p> <p>Paid and unpaid open source developers are pressed into providing a support they never promised in the first time. So they ask companies for mandatory contributions, something they explicitly refused when they licensed their code.</p> <p>So, what can we do?</p> <p>In the short term, it’s very simple. If you care about the commons, you should put your work under a strong copyleft license like the AGPL. That way, we will get back to building that commons we lost because of web services. If someone ever complains that a web service broke because of your AGPL code, reply that the whole web service should be under the AGPL too.</p> <ul> <li><a href="/2023-06-19-more-rms.html">We need more of Richard Stallman, not less (ploum.net)</a></li> </ul> <p>We were tricked into thinking that BSD or MIT licences were &quot;freer&quot; like we were tricked into believing that building a polluting factory next to our local river would be &quot;good for the economy&quot;. It is a scam. A lot of unpaid or badly paid developers would probably benefit from switching to a copyleft license but they use BSD/MIT because they see themselves are &quot;temporary embarrassed software millionaires&quot;.</p> <p>We should also actively fight against automatic installation of recursive dependencies. No, it is not normal and no sanely engineered system should do this. We should not trust the Microsoft-owned Github to distribute software. A git repository is a development tool, not a distribution mechanism for end users. Something the Great Ancients understood fully when they started projects like BSD, Debian or Red Hat which are called… &quot;distributions&quot;. Yes, the &quot;D&quot; in BSD stand for &quot;distribution&quot;. It is not by accident that those distributions care a lot about the license of the software they distribute.</p> <h2 id="soustitre-2">Get Rid of Monopolies</h2> <p>In the long term, the root causes of most of our problems are the monopolistic corporations. Without them, we would not have this discussion. There’s a generational divide here. Brilliant coders now on the market or in the free software space have never known a world without Google, Facebook and Github. Their definition of software is &quot;something running in the browser&quot;. Even email is, for them, a synonym for the proprietary messaging system called &quot;Gmail&quot; or &quot;Outlook&quot;. They contribute to FLOSS on Github while chatting on Slack or Discord, sharing specifications on Google Drive and advertising their project on Twitter/X. They also often have an iPhone and a Mac because &quot;shiny&quot;. They cannot imagine an alternative world where monopolies would not be everywhere. They feel that having nice Github and Linkedin profiles where they work for free is the only hope they have to escape unemployment. Who can blame them? They cannot imagine a world without monopolies. They don’t search, they Google, they don’t shop online, they go on Amazon, they don’t read a book but a Kindle, they don’t take a coffee but a Starbucks. For them, politics is only a source of conflicts, a naughty word.</p> <p>As they start to understand that they are exploited by those omnipotent deities, they see only one way to make it acceptable: ask, through one of those deities (Twitter, Facebook, LinkedIn), to be paid. They understand that they are two classes of coders in the world: those who are exploited without being paid and those who are paid to be exploited. A bit or even more in some cases. While a few hands keep all the power.</p> <p>What elderly, like myself, should teach them, is that there are many alternatives. We can live without Google, Facebook Microsoft, Apple, Amazon. We can write code which is not on Github, which doesn’t run on an Amazon server and which is not displayed in a Google browser. We should also insist that every piece of technology is, by essence, political. That you cannot understand technology without understanding the people. And you cannot understand people without understanding politics. Every choice you made has an impact on the world.</p> <p>At the turn of the century, the free software community was focused on fighting Microsoft monopoly. We even joined force with Google and Apple to fight Microsoft. We completely failed. We helped build a world where mostly everything is &quot;Microsofted&quot;, &quot;Googled&quot; and &quot;Iphonized&quot;. All of this made possible thanks to open source and millions of hours worked for free by people who contributed to what we thought was &quot;the commons&quot;.</p> <p>The lesson we learned is harsh: we can never trust corporations with anything. They destroyed our oceans, our atmosphere and our politics. There’s no reason to trust them with our software, our privacy and our daily lives. </p> <p>In the long term, our only hope is to build stronger commons. Every day, we must fight to protect and improve the commons while letting corporations have as little power as we can over it and over our lives.</p> <p>If you are a creator or a coder, you can do it today by adopting copyleft licenses and enforcing them as much as you can.</p> <p>Put your open source code under the AGPL license!</p> <ul> <li><a href="https://unsplash.com/fr/photos/man-cleaning-shoe-of-another-man-near-white-painted-wall-outdoors-sjSYDZawOD4">Photo by Nick Karvounis</a></li> </ul> <div class="signature"><p>As a writer and an engineer, I like to explore how technology impacts society. You can subscribe <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">by email</a> or <a href="/atom_en.xml">by rss</a>. I value privacy and never share your adress.</p> <p>If you read French, you can support me by buying/sharing/reading <a href="/livres.html">my books</a> and subscribing to my <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">newsletter in French</a> or <a href="/atom_fr.xml">RSS</a>. 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Le post ne fait que se plaindre des difficultés à télécharger 20Mo de JavaScript pour pouvoir… chatter ! Fondamentalement, la connexion en Antartique est bien meilleure que mes premières connexions sur le réseau téléphonique.</p> <p>En fait, je me rends compte qu’Offpunk avec un cache partagé par tous les membres de la base serait un outil idéal pour ce genre d’endroit.</p> <ul> <li><a href="https://sr.ht/~lioploum/offpunk/">An offline first command-line browser for the smolnet (lioploum)</a></li> </ul> <p>Ce que je trouve effrayant, c’est que le post ne semble à aucun moment remettre en question le fait qu’il faille télécharger 20Mo de JavaScript pour chatter. Faut dire que, dans le même post, il trouve également normal de mettre à jour son macOS depuis l’Antarctique. Alors que, personnellement, je mettrais tout le monde en Debian stable avec un cache local (approx ou apt-cacher sont très simples à mettre en place).</p> <p>Mais le bon sens et l’indépendance d’esprit ont déserté l’immense majorité des départements IT. Jusque dans l’antarctique. Il est devenu &quot;normal&quot; d’utiliser Slack et Office 365 sur un Mac ou un Windows vérolé, même dans des environnements extrêmes où cela n’a absolument aucun sens.</p> <p>En fait, les informaticiens ont complètement perdu le sens de ce qu’est un ordinateur.</p> <h2 id="soustitre-2">Bullshitter les bullshit jobs</h2> <p>Un ami me disait récemment que son travail consistait à coller dans une feuille Excel des factures en PDF. Factures qui sont générées depuis une base de données interne à la boîte. Les feuilles Excel que mon ami produit sont ensuite transférées à une autre personne qui les encode dans une autre base de données. Mais comme le dit mon ami, relier les deux bases de données directement est impensable. Tout le monde a trop peur de perdre son boulot. Donc on fait les choses de la manière la plus inefficace, la plus débile possible.</p> <ul> <li><a href="/le-principe-dinefficacite-maximale/index.html">Le principe d’inefficacité maximale (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Les personnes utilisant une connexion limitée en Antarctique sur une connexion satellite limitée ne voient pas d’autres solutions que d’améliorer le débit des satellites. Ce qui arrange bien les fabricants de satellites. </p> <p>Du coup, on lance plus de satellites…</p> <p>De manière à pouvoir télécharger d’énorme quantité de logiciels qui nous permettent, à grand-peine, de faire des trucs que n’importe quel informaticien d’il y a 30 ans fait en une ligne de bash.</p> <h2 id="soustitre-3">L’efficacité énergétique de la programmation</h2> <p>De la même manière, Prma critique un papier qui analyse l’efficacité énergétique de différents langages de programmation. Prma explique que le papier ne prend en compte que le temps de traitement du problème et pas tout ce qu’il y a autour (le développement du logiciel).</p> <ul> <li><a href="https://prma.dev/posts/consider-developers-snack">Consider Developer&#x27;s Snack (prma.dev)</a></li> </ul> <p>Mais je vais beaucoup plus loin : On s’en fout ! On s’en branle que Python soit 78 fois moins performant que le C. Parce que l’important n’est pas là. </p> <p>La question est « À quoi sert le logiciel ? ». Que demande-t-on à l’ordinateur ? </p> <p>Le simple fait que cette étude existe démontre à quel point les informaticiens ont perdu toute distance, toute intelligence par rapport à l’outil qu’ils ont créé.</p> <p>Si on lui demande de nous afficher de la publicité et de nous espionner pour nous faire consommer plus, alors, même si le code est parfaitement optimisé et tourne dans des data centers alimentés à l’énergie solaire, ce code est morbide, dangereux, mortel. </p> <p>Si votre code python sous-optimisé consomme un peu plus de batterie que prévu, mais c’est pour vous empêcher de voir les pubs, alors ce code est, par essence, écologique. </p> <p>L’industrie publicitaire, l’industrie pétrolière et toute industrie qui vit en vous faisant consommer plus de ressources que ce que vous avez vraiment besoin sont des industries dangereuses. Elles peuvent planter des arbres et faire des campagnes de pub pour nous convaincre du contraire, ce seront toujours des mensonges. Les centres commerciaux sont des odes à la destruction de la planète. Les pompes à essence sont les chapelles de notre religion mortifère qui consiste à empoisonner le plus vite possible notre air, notre eau, notre nourriture et nos enfants.</p> <h2 id="soustitre-4">Payer pour écrire</h2> <p>Remettre un effort permet de remettre du sens. C’est pourquoi je suis fan des machines à écrire (mon prochain roman a été entièrement rédigé sur une Hermès Baby mécanique). Je vous recommande d’ailleurs l’incroyable livre « THe Typewriter Revolution » de Richard Polt pour comprendre pourquoi taper à la machine est un acte rebelle.</p> <ul> <li><a href="https://typewriterrevolution.com/">TYPEWRITER REVOLUTION // resist the paradigm // 100% human made (typewriterrevolution.com)</a></li> </ul> <p>Mais j’ignorais totalement l’existence de machine à écrire payante ! 10 cents pour écrire pendant trente minutes. Et, cerise sur le gâteau, c’est sur une des machines de ce type que Ray Bradbury a écrit le premier jet de Farenheit 451, ce qui lui aura donc couté 9,80$. 49h de travail !</p> <ul> <li><a href="https://www.neatorama.com/2024/06/09/Ray-Bradbury-Wrote-Fahrenheit-451-on-a-Coin-Operated-Typewriter/">Ray Bradbury Wrote Fahrenheit 451 on a Coin-Operated Typewriter (www.neatorama.com)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-5">Archéologie logicielle</h2> <p>Afin de remettre du sens derrière l’informatique et les ordinateurs, je me penche de plus en plus dans l’histoire de la discipline.</p> <p>L’informatique commence en effet à devenir assez ancienne pour qu’apparaisse une nouvelle activité : l’archéologie logicielle. Et c’est passionnant. Comme cet exemple absolument dingue : une des disquettes du jeu Space Quest II, de 1987, avait été mal formatée avant d’être envoyée en production et contenait, caché dans les zones vides du système de fichiers, 70% du code source du jeu.</p> <ul> <li><a href="https://lanceewing.github.io/blog/sierra/agi/sq2/2024/05/22/do-you-own-this-space-quest-2-disk.html">The Space Quest II Master Disk Blunder (lanceewing.github.io)</a></li> </ul> <p>Il faudra attendre 37 ans pour que quelqu’un remarque cette erreur et redécouvre ce code ancien. </p> <p>Ça me fait un peu le même effet que de lire la découverte d’une plaquette d’argile couverte d’écriture cunéiforme en provenance d’un empire effondré dans un cataclysme. Sauf que, dans ce cas, je comprends le cunéiforme.</p> <p>Surtout quand on a joué à des jeux Sierra-on-line et qu’on connait l’histoire de la chute de cette entreprise qui aurait pu devenir un colosse, mais s’est fait racheter par un arnaqueur.</p> <ul> <li><a href="https://www.vice.com/en/article/z3vem8/inside-story-sierra-online-death-cuc-cendant-fraud">How Sierra Was Captured, Then Killed, by a Massive Accounting Fraud (www.vice.com)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-6">Retracer une histoire logicielle personnelle</h2> <p>En beaucoup plus récent et moins archéologique, Flozz, sur sa capsule Gemini, nous raconte les différentes manières qu’il a utilisées pour écouter de la musique sur son ordinateur. Ça rappellera des souvenirs aux utilisateurs de XMMS. Il a fini par échouer, un jour de flemme, sur Spotify.</p> <ul> <li><a href="gemini://blog.flozz.fr/2024/06/21/je-quitte-spotify-pour-mon-propre-cloud-musical-autoheberge/">Je quitte Spotify pour mon propre cloud musical autohébergé ! (blog.flozz.fr)</a></li> </ul> <p>Mais, avant même toute considération éthique, Spotify a un problème qui devrait faire bondir tout audiophile : une chanson que vous écoutez peut disparaitre du jour au lendemain. Ou, comme ça lui est arrivé, être remplacé par une autre version de la chanson.</p> <p>Je n’ai jamais utilisé Spotify, mais rien qu’à l’idée, j’en frémis.</p> <p>Du coup, Flozz prend le taureau par les cornes pour migrer vers Nextcloud-music et nous le raconte.</p> <h2 id="soustitre-7">Discuter les problèmes plutôt que les résoudre à tout prix</h2> <p>Plutôt que de tenter d’offrir des solutions à tout prix, ce qui fait des blog posts populaires sur Hacker News, il est nécessaire de prendre de la distance, de faire comme Flozz et de tracer l’historique du problème, l’évolution du besoin. </p> <p>Cela me rappelle la blague de la NASA qui développe, pour des millions de dollars, un stylo-bille capable de fonctionner en apesanteur. Le bic fonctionne néanmoins très mal et, à la fin de la guerre froide, les ingénieurs américains demandent à leurs confrères russes comment les astronautes prennent des notes. Les Soviétiques de répondre : « Ils utilisent un crayon, pourquoi ? »</p> <p>L’ordinateur est un marteau universel qui fait que le monde ressemble à un champ de clou. Mais peut-être que les meilleurs informaticiens aujourd’hui sont ceux qui vous expliquent comment ne pas utiliser un ordinateur.</p> <p>— Pourquoi tu ne l’écris pas tout simplement sur un papier que tu déposes sur son bureau ?<br> – Je… Je n’y avais pas pensé.</p> <h2 id="soustitre-8">Breizhcamp à Rennes, ce 27 juin</h2> <p>Au fait, je serai toute la journée du jeudi 27 juin au Breizhcamp à Rennes. Je dédicacerai avec plaisir et j’aurai quelques bouquins avec moi pour ceux qui veulent en acheter, mais pas beaucoup donc si vous l’avez acheté à l’avance dans une librairie, c’est plus sûr.</p> <p>Et ne ratez pas la keynote du jeudi matin !</p> <ul> <li><a href="https://www.breizhcamp.org/">du 26 au 28 juin 2024 (www.breizhcamp.org)</a></li> </ul> <div class="signature"><p>Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser <a href="/atom_fr.xml">mon flux RSS francophone</a> ou <a href="/atom.xml">le flux RSS complet</a>.</p> <p>Pour me soutenir, <a href="/livres.html">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) ! Je viens justement de publier un <a href="/et-autres-joyeusetes-que-nous-reserve-le-futur/index.html">recueil de nouvelles</a> qui devrait vous faire rire et réfléchir. Je fais également partie du <a href="/2023-12-12-sf-en-vf.html">coffret libre et éthique « SF en VF »</a>.</p> </div> Ploumhttps://ploum.net Cette acceptation progressive de l’inacceptable https://ploum.net/2024-06-18-acceptation-inacceptable.html 2024-06-18T00:00:00Z 2024-06-18T00:00:00Z <h1>Cette acceptation progressive de l’inacceptable</h1> <h2 id="soustitre-1">Et du devoir moral d’être anormal</h2> <p>Le monde, comme les moulins, c’était mieux à vent.</p> <p>C’est du moins ce que prétend chaque génération depuis que l’humanité existe. Je crois me souvenir d’un texte latin (peut-être de Pline l’Ancien ?) se plaignant de la musique de jeunes de son époque.</p> <p>Force est de constater que, dans certains cas, c’est vrai. Ce n’est pas tant que les choses se sont empirées, c’est surtout que le cadre de référence de ce qui est « normal » a été complètement bouleversé.</p> <h2 id="soustitre-2">Changement du cadre de référence en matière de vie privée</h2> <p>Seven, de David Fincher, est un film iconique de ma jeunesse. Sorti en 1995 (je ne le verrai que bien plus tard, mais je lirai très vite la novélisation), il raconte l’histoire de deux flics, joués par Brad Pitt et Morgan Freeman, à la poursuite d’un tueur en série obsédé par les sept péchés capitaux.</p> <p>L’un des éléments clés de l’enquête est l’accès au fichier des personnes empruntant les livres liés aux sept péchés capitaux à la bibliothèque municipale. Problème : pour des raisons qui semblent évidentes au public des années 90, il est interdit de ficher les citoyens selon leurs lectures. Les scénaristes contournent cet écueil en prétendant que la CIA maintient une liste parfaitement illégale des individus empruntant certains livres et en faisant en sorte que Morgan Freeman soit justement pote avec un mec travaillant à la CIA.</p> <p>Ce qui est particulièrement saisissant, 30 ans plus tard, c’est de constater que la ville fictive où se déroule l’intrigue est décrite comme sale, violente, mais que les citoyens semblent disposer de plus de droits que nous n’en avons aujourd’hui. Le fait de ne pas voir divulguer la liste de ses emprunts à la bibliothèque est considéré comme allant de soi.</p> <p>Aujourd’hui, les titres que vous empruntez électroniquement sont, d’une manière ou d’une autre, transmis aux annonceurs afin de faire de la publicité ciblée.</p> <ul> <li><a href="https://www.theregister.com/2024/05/18/mystery_of_the_targeted_mobile_ads/">The mystery of the targeted ad and the library patron • The Register (www.theregister.com)</a></li> </ul> <p>Il faut absolument revoir « All the President’s Men » pour se rendre compte le scandale qu’était le fait d’installer des micros-espions en 1972. Scandale qui aboutira à la démission de Nixon alors que, depuis Edward Snowden, nous trouvons normal de nous balader tous en permanence avec des micros et caméras-espionnes partout.</p> <p>Edward Snowden pensait choquer le monde avec ses révélations. Nous nous sommes contentés de hausser les épaules en trouvant cela « normal ».</p> <h2 id="soustitre-3">Google, l’espion qui ne se cache même plus</h2> <p>Si vous lisez ceci, vous pensez peut-être que Chrome est un navigateur web qui vous espionne ? </p> <p>Vous êtes encore loin du compte.</p> <p>De nouvelles fuites démontrent que Chrome est un espion logiciel déguisé en navigateur web depuis le début. Chrome a été créé dans l’optique d’obtenir le plus d’informations possible sur vous et sur votre usage du web. Même vos mouvements de souris, vos clics avortés sont enregistrés et envoyés à Google pour être analysés. Chrome fait ce que Google a toujours juré qu’il ne faisait pas. Tout système où Chrome est installé doit être considéré comme un ordinateur-espion.</p> <ul> <li><a href="https://sparktoro.com/blog/an-anonymous-source-shared-thousands-of-leaked-google-search-api-documents-with-me-everyone-in-seo-should-see-them/">An Anonymous Source Shared Thousands of Leaked Google Search API Documents with Me; Everyone in SEO Should See Them (sparktoro.com)</a></li> </ul> <p>Et si cela ne suffisait pas, Chrome va désormais limiter très fortement les bloqueurs de publicité.</p> <ul> <li><a href="https://sebsauvage.net/links/?IgOJSg">Google Chrome limite les bloqueurs de pub (sebsauvage.net)</a></li> </ul> <p>La solution existe : utiliser Firefox, tant sur votre ordinateur que sur votre mobile. Firefox pour Android permet désormais d’utiliser les extensions. Et si vous ne savez pas laquelle choisir, il n’y en a qu’une de vraiment indispensable : ublock origin.</p> <ul> <li><a href="https://ublockorigin.com/fr">uBlock Origin - Bloqueur de publicités gratuit et open source</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-4">Microsoft, l’espion qui apprend vite</h2> <p>Tant qu’on y est, si vous êtes encore sous Windows, il devient urgent d’envisager une migration. Windows va, dans un futur proche, prendre des screenshots réguliers de votre écran, les analyser et les sauvegarder. Le but ? Vous permettre de vous rappeler ce que vous faisiez dans le passé. </p> <ul> <li><a href="http://www.antipope.org/charlie/blog-static/2024/06/is-microsoft-trying-to-commit-.html">Is Microsoft trying to commit suicide? (www.antipope.org)</a></li> </ul> <p>Le plus hallucinant, c’est que les gens qui ont pondu cette idée chez Microsoft sont tombés de leur chaise quand ils ont découvert que ce genre de fonctionnalités est quand même très effrayant pour beaucoup d’utilisateurs. Ah ben, pour le coup, ils n’avaient même pas pensé à sécuriser le bazar. Pourtant, c’est cool, non, d’être espionné en permanence par son propre ordinateur ? </p> <p>Il faut avouer que, chez Microsoft, la sécurité n’est pas la priorité. Andrew Harris était un hacker réputé, employé chez Microsoft pour garantir la sécurité. Il a très vite découvert que le système cloud de Microsoft permettait à n’importe qui de se logguer avec des permissions arbitraires. Une faille énorme s’il en est ! Malgré les nombreuses alertes d’Harris en interne, Microsoft n’a jamais résolu ce bug. Andrew Harris a fini par démissionner, dégouté, en 2020. La faille, elle, existe probablement toujours et est à l’origine de certaines des plus grosses attaques informatiques, y compris l’exfiltration de documents ultra-confidentiels de différentes administrations américaines.</p> <ul> <li><a href="https://www.propublica.org/article/microsoft-solarwinds-golden-saml-data-breach-russian-hackers">Microsoft Refused to Fix Flaw Years Before SolarWinds Hack (www.propublica.org)</a></li> </ul> <p>Au fait, installer Windows 11 sans le fameux compte cloud de chez Microsoft va devenir de plus en plus difficile.</p> <ul> <li><a href="https://www.pcworld.com/article/2354686/microsoft-blocks-windows-11-workaround-local-accounts.html">Microsoft blocks popular method to install Windows 11 sans account (www.pcworld.com)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-5">Et tous les autres aspirants espions</h2> <p>Ce ne sont pas seulement les gros éditeurs qui tentent de vous emmerdifier. Nous assistons à une vague de rachats. Les petits logiciels propriétaires, gratuits ou payants, sont rachetés en douce par des groupes nébuleux qui n’ont qu’un seul objectif : exploiter la base utilisateur pour en extraire des données ou les faire payer. Ça a été le cas par exemple pour le navigateur web Opera, racheté pour 600 millions de dollars par un obscur consortium chinois. C’est régulièrement le cas pour toutes les petites applications Android/Mac/Windows. Vous mettez à jour innocemment et, sans que vous soyez prévenu, vous êtes subitement espionné ou forcé de payer pour accéder à vos propres données. Les histoires sont trop nombreuses pour que je les cite toutes.</p> <p>Notez que ça fait 40 ans que Richard Stallman nous prévient qu’utiliser des logiciels propriétaires doit forcément finir comme cela.</p> <ul> <li><a href="/2023-06-19-more-rms.html">We need more of Richard Stallman, not less (ploum.net)</a></li> </ul> <p>La pérennité de vos outils passe obligatoirement par leur liberté.</p> <p>Alors, oui, il y a des logiciels qui n’ont pas encore d’équivalents libres. Mais si votre usage est essentiellement dans un navigateur ou pour coder, ça vaut la peine d’investiguer de passer à Linux, au moins partiellement (le double-boot est toujours possible).</p> <h2 id="soustitre-6">L’anti-simplification d’Apple</h2> <p>Si vous doutiez encore de la merdification et de la complexité dans l’informatique moderne, voici un exemple qui devrait vous éclairer.</p> <p>Les iPhones ne disposent pas du port standard « jack 3,5mm » pour brancher des écouteurs. Ni de port USB-C standard. Il faut donc utiliser le port propriétaire Apple « Lightning ». Ce qui, selon les fans d’Apple, est génial.</p> <p>Sauf que pour fabriquer un truc aussi simple que des écouteurs qui se branchent là-dessus, il faut payer une redevance à Apple et comprendre la complexité derrière Lightning. Un truc que les producteurs bon marché ne veulent pas faire. Mais ils ont trouvé une parade : faire des écouteurs Bluetooth… avec fil !</p> <ul> <li><a href="https://www.minimachines.net/actu/casque-apple-lightning-bluetooth-127339/">L&#x27;aventurier du casque Bluetooth maudit (www.minimachines.net)</a></li> </ul> <p>Quand on connait la complexité de Bluetooth, le fait que faire des écouteurs Bluetooth soit plus simple que des filaires en dit long sur ce que nous considérons désormais comme « normal ».</p> <ul> <li><a href="/2023-06-15-merdification.html">De la merdification des choses (ploum.net)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-7">La merdification générale de la culture</h2> <p>Je me concentre sur l’informatique, car je connais bien le domaine. Mais c’est pareil pour la culture. J’ai déjà évoqué l’ensevelissement de l’art par l’amusement et celui de l’amusement par la distraction.</p> <ul> <li><a href="/2024-04-11-lectures-distraction-destruction.html">Lectures : de la distraction à la destruction (de la planète) (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Récemment, j’ai fait la réflexion à mon épouse que toutes les bandes-annonces projetées sur l’écran à l’extérieur du cinéma de ma ville étaient, sans exception, des suites ou des reboots de films vieux de minimum vingt ans. Il n’y avait strictement rien de nouveau mis en avant.</p> <p>Un simple sentiment ? Adam Mastroianni a quantifié le problème, tant au niveau des films que de la musique, de la télévision et des livres. Les résultats sont effrayants. Nous sommes littéralement en train d’étouffer toute tentative d’idées originales en termes de culture.</p> <ul> <li><a href="https://www.experimental-history.com/p/pop-culture-has-become-an-oligopoly">Pop Culture Has Become an Oligopoly (www.experimental-history.com)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-8">Et la presse, alouette, alouette…</h2> <p>Dans la salle d’attente d’un centre dentaire, je suis tombé sur un numéro du Figaro Magazine que j’ai feuilleté. Pendant un moment, j’ai cru à une parodie. Une couverture mettant à l’honneur des « influenceurs patriotes » (comprenez « réacs ») tout droit sorti d’un sketch des Inconnus des années 90. De superbes photos d’Éric Zemmour annonçant avec le plus grand sérieux que Mélenchon prépare une insurrection musulmane antirépublicaine.</p> <p>Quand mon dentiste est entré, il m’a surpris avec ce torchon entre les mains. Je me suis immédiatement justifié, arguant d’un intérêt sociologique. Il a rigolé. </p> <p>Il y a quelques années à peine, ce genre de choses n’aurait même pas pu être pris au sérieux. La raison de ce changement de cadre ? Bolloré. Un milliardaire d’extrême droite qui rachète les médias pour imposer sa ligne éditoriale. Mais, plus subtil encore, il achète également le monopole des points de vente presse et livre (les fameux Relay dans toutes les gares). De cette manière, cette presse est mise en avant même si elle ne se vend pas ! Les Relay sont donc littéralement des panneaux publicitaires permanents au service de l’idéologie réac de Bolloré ! Même si vous n’achetez pas, vous êtes forcément confronté aux affiches et aux unes.</p> <ul> <li><a href="https://theconversation.com/la-crise-politique-que-nous-vivons-prouve-la-reussite-du-combat-civilisationnel-mene-par-vincent-bollore-232457">&quot; La crise politique que nous vivons prouve la réussite du combat civilisationnel mené par Vincent Bolloré &quot; (theconversation.com)</a></li> </ul> <p>Les Relay, ce sont aussi parmi les plus grands vendeurs de livres. Alors que les éditions PVH, où je suis édité, doivent se battre bec et ongles pour avoir quelques exemplaires dans les libraires, tous les Relay ont des piles de dizaines de bouquins absurdes, infâmes ou les deux qui finissent, à l’usure, par se vendre. Avec Gee, on a notamment déliré sur un livre disponible partout en énorme quantité et prétendant démontrer l’existence de Dieu. Livre (très mal) écrit… par le frère de Vincent Bolloré. </p> <p>Déplacer le cadre de référence de la normalité est plus facile lorsqu’on est milliardaire.</p> <h2 id="soustitre-9">Soyez anormaux, entrez en résistance !</h2> <p>Je le dis, je le répète, mais je ne le dirai jamais assez : résistez ! </p> <p>Prenez garde aux logiciels qui tournent dans votre ordinateur : protégez-vous, installer des bloqueurs, utilisez des logiciels libres.</p> <p>Prenez garde aux logiciels qui tournent dans votre cerveau : éteignez définitivement votre télé, piratez de vieux films, fréquentez les libraires indépendants et soutenez les auteurs, les artistes et les créateurs qui s’expriment pour faire bouger le cadre de référence, qui refusent de se laisser sponsoriser, acheter. Soutenez les anomalies que le système essaie de gommer !</p> <p>Alors oui, je sais, c’est plus facile de lancer Netflix en rentrant du boulot, de mater la série dont tous les collègues parlent. Oui, c’est plus facile d’utiliser Chrome et un iPhone. Comme c’est plus facile de s’allumer une clope. Résister n’a jamais été facile. C’est pourtant nécessaire… </p> <p>Lorsqu’une morbide normalité nous est imposée à coup de milliards, il est un devoir moral d’être anormal. </p> <div class="signature"><p>Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser <a href="/atom_fr.xml">mon flux RSS francophone</a> ou <a href="/atom.xml">le flux RSS complet</a>.</p> <p>Pour me soutenir, <a href="/livres.html">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) ! Je viens justement de publier un <a href="/et-autres-joyeusetes-que-nous-reserve-le-futur/index.html">recueil de nouvelles</a> qui devrait vous faire rire et réfléchir. Je fais également partie du <a href="/2023-12-12-sf-en-vf.html">coffret libre et éthique « SF en VF »</a>.</p> </div> Ploumhttps://ploum.net Les mécanismes de compensation carbone expliqués à mon hamster https://ploum.net/2024-06-17-compensation-carbone.html 2024-06-17T00:00:00Z 2024-06-17T00:00:00Z <h1>Les mécanismes de compensation carbone expliqués à mon hamster</h1> <p>Un homme en costume abaisse la vitre de sa grosse voiture rutilante. Il s’adresse à une femme en tenue cycliste qui s’apprête à monter sur son vélo.</p> <p>— Salut Josiane. Dis-moi, tu vas toujours au travail en vélo ?<br> — Bien sûr René.<br> — Tu fais combien de kilomètres par semaine ?<br> — Entre 80 et 100km, je pense.<br> — Tu connais d’autres vélotaffeurs ?<br> — Oui, plein.<br> — Tu pourrais me réunir pour un total de 500km par semaine ?<br> — Sans problème René. Mais pourquoi ?<br> — Je t’explique : je vous paie aux alentours de 10 centimes le kilomètre et, en échange, vous me donnez chacun un certificat prouvant que vous n’allez pas utiliser la voiture pour aller au travail.<br> — Mais on ne comptait de toute façon pas utiliser la voiture. Je n’en ai même pas.<br> — Ça n’a pas d’importance Josiane.<br> — Ça te sert à quoi ?<br> — Comme je fais 500km par semaine dans mon SUV (t’as vu ? Il est tout nouveau ! Full options ), ces certificats compensent mes trajets. En vous payant les kilomètres à vélo, c’est comme si je ne polluais pas. Tu comprends ?<br> — Pas bien, non…<br> — C’est pas grave Josiane. Toi tu es payée et moi je peux mettre un autocollant comme quoi mon véhicule est neutre en émission carbone. En plus, j’ai des abattements d’impôts qui compensent largement ce que je vous paie.</p> <p>Voix off: Toi aussi, comme Josiane et René, participe à protéger la planète en investissant dans les certificats verts et les mécanismes de compensation carbone !</p> <p>— Mais dis-moi René, mes potes qui font du télétravail, ils font comment ?<br> — Très bonne question Josiane ! Je peux leur fournir un vélo d’appartement (je suis justement actionnaire dans une entreprise qui en fabrique). Tes amis s’engagent à pédaler dessus tous les jours un nombre fixé de kilomètres, par exemple pendant leur pause de midi. Ils peuvent rembourser le vélo d’appartement avec les certificats qu’ils génèrent.<br> — Tu ne risques pas d’en avoir trop des certificats ?<br> — Mais je les revends, Josiane. Comment crois-tu que j’ai payé ce nouveau jouet ?</p> <p>René tapote avec fierté le volant de sa voiture rutilante. Josiane semble hésiter.</p> <p>— Mais du coup, il faut être sûr de faire les kilomètres.<br> — Bien sûr. Bien sûr. Mais, entre nous, qui ira vérifier ? Tiens, voilà déjà ta première semaine. Tu m’enverras le certificat !</p> <p>Il tend un billet, éclate de rire et démarre en trombe en adressant un signe d’au revoir à Josiane. Le rugissement du moteur résonne longuement. La cycliste le regarde partir puis contemple le billet de 10€ qu’elle tient dans la main. Elle enfourche son vélo et se met à pédaler. Tout en souriant, elle murmure :</p> <p>— Ça fait du bien de savoir qu’on participe au sauvetage de la planète ! J’utiliserai le même mécanisme pour compenser mes prochaines vacances.</p> <div class="signature"><p>Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser <a href="/atom_fr.xml">mon flux RSS francophone</a> ou <a href="/atom.xml">le flux RSS complet</a>.</p> <p>Pour me soutenir, <a href="/livres.html">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) ! Je viens justement de publier un <a href="/et-autres-joyeusetes-que-nous-reserve-le-futur/index.html">recueil de nouvelles</a> qui devrait vous faire rire et réfléchir. Je fais également partie du <a href="/2023-12-12-sf-en-vf.html">coffret libre et éthique « SF en VF »</a>.</p> </div> Ploumhttps://ploum.net Un nouvel âge d’or de l’imaginaire ? https://ploum.net/2024-06-11-un-nouvel-age-d-or.html 2024-06-11T00:00:00Z 2024-06-11T00:00:00Z <h1>Un nouvel âge d’or de l’imaginaire ?</h1> <p>Lors d’une conversation avec Lionel, mon éditeur, j’ai un jour dit que j’aurais aimé vivre lors de « l’âge d’or de la SF », cette fameuse période des années 50 durant laquelle n’importe quel aspirant auteur pouvait envoyer ses nouvelles aux fameux magazines pulps et se retrouver publié entre Poul Anderson et Frederik Pohl tandis qu’Isaac Asimov passait ses soirées à rigoler avec Lyon Sprague de Camp et Lester del Rey.</p> <p>La réponse de Lionel fut immédiate :</p> <p>— Tu es peut-être en train de vivre ce qui, pour les prochaines générations, sera perçu comme un âge d’or.</p> <p>De retour des caves de Pesmes (voir photo) et de son festival « Si l’imaginaire m’était Comté » où nous avons fêté les 10 ans de la maison d’édition PVH, je repense à cette réponse. Simple. Évidente. Digne de l’historien de formation qu’est Lionel. </p> <p>Et je ne veux qu’agréer à la chance que j’ai de connaître une forme d’âge d’or. Ou, du moins, de la tentative que nous faisons pour le créer.</p> <p>Après 10 ans d’efforts, les livres de PVH sont désormais disponibles dans toutes les librairies de Suisse, de France et de Belgique. La qualité et l’attention portée au détail, notamment dans la collection Ludomire, sont particulièrement appréciées des critiques et des lecteurs. </p> <p>Dans cette collection, « L’Héritage des Sombres » de Pascal Lovis est déjà devenu un best-seller et un classique de la fantasy suisse. La saga One Minute, de Thierry Crouzet, est un ovni littéraire qui bouleverse les codes de la SF. « Sortilèges et Syndicats », de Gee, est pressenti pour participer au prix littéraire Grolandais. Mon propre recueil de nouvelles « Stagiaire au spatioport Omega 3000 » est, d’après Wikipédia, le premier livre disposant d’une piste cachée (un truc que les moins de vingt ans ne peuvent pas comprendre).</p> <ul> <li><a href="https://pvh-editions.com/ludomire">La collection Ludomire</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-1">Mais ce n’est pas tout !</h2> <p>La collection Ludomire est particulière, car elle est, à ma connaissance, la première collection de littérature de l’imaginaire entièrement sous licence libre (CC By-SA). Les auteurs qui rejoignent la collection sont obligés, par contrat, de libérer leur œuvre. À travers le programme print@home, les lecteurs ont été encouragés à télécharger et imprimer chez eux des exemplaires de mon roman Printeurs puis de tous les autres de la collection.</p> <ul> <li><a href="https://pvh-editions.com/licence-libre">Libération de la collection Ludomire (pvh-editions.com)</a></li> </ul> <p>La licence libre ouvre également des portes vers des pays qui sont peu ou pas approvisionnés par les circuits de distribution classiques. PVH travaille notamment avec le Sénégal et la république démocratique du Congo. Et si, plutôt que de transporter des tonnes de papiers sur des milliers de kilomètres, on permettait à chaque pays de faire sa propre impression des œuvres ? La licence libre le permet !</p> <figure> <a href="/files/gnupvh.jpeg"><img alt="GNU/PVH, Ploum et Lionel dans une librairie, avec t-shirt GNU jaune et un polo mauve PVH" src="/files/gnupvh.jpeg" width="450" class="center"></a> <figcaption>GNU/PVH, Ploum et Lionel dans une librairie, avec t-shirt GNU jaune et un polo mauve PVH</figcaption> </figure> <p>La liberté facilite la diffusion, l’adaptation et notamment les traductions. « À l’orée de la ville », le (trop) court roman cyberpunk d’Allius sera bientôt diffusé en italien !</p> <h2 id="soustitre-2">Mais ce n’est pas tout !</h2> <p>Libérer les livres, c’est très bien. Les vendre à travers une plateforme libre, c’est encore mieux. C’est pourquoi PVH a développé sa propre plateforme de vente sous licence libre : be-BOP.</p> <p>be-BOP a pour objectif de libérer les commerçants, les créateurs, les associations des plateformes centralisées comme Patreon, Ulule voire VISA et Mastercard grâce à la possibilité de payer en espèce, virements ou bitcoins.</p> <ul> <li><a href="https://be-bop.io/">be-BOP, l’outil de monétisation des communautés</a></li> </ul> <p>Grâce à l’incroyable énergie de Christophe Gérard, auteur de « La légende du bretteur qui se battait pour un petit pois », le tout premier livre publié par PVH, be-BOP est devenu une plateforme multifonction. À la fois CMS pour réaliser un site de commerce en ligne, mais également plateforme autohébergée permettant le crowdfunding, les abonnements, l’achat en direct comme logiciel de caisse, la comptabilité, la facturation. Be-BOP supporte même la gestion des tables et des tickets d’un restaurant !</p> <p>Que vous achetiez les livres sur le site PVH ou dans un salon, vous passez désormais par be-BOP et sa licence AGPLv3.</p> <p>Tout comme la libération de la collection Ludomire, l’objectif de be-BOP est double : libérer les outils de l’économie de la création et rendre celle-ci accessible au plus grand nombre. À travers des expériences au Salvador et au Sénégal, PVH a été confronté au fait que disposer d’un compte en banque et d’une carte de crédit est loin d’être la norme et ne devrait en aucun cas être une condition d’accès à la culture. Dans certaines régions, s’affranchir du système bancaire fait toute la différence !</p> <h2 id="soustitre-3">Mais ce n’est pas tout !</h2> <p>Tenter de faire revivre les mondes de l’imaginaire, créer une culture libre, créer des outils économiques libres. Je ne sais pas si l’histoire jugera qu’il s’agit d’un nouvel âge d’or au cours duquel Ploum emmenait Pascal Lovis et Sara Schneider se baigner sous la pluie dans l’Onion (je vous passe les innombrables jeux de mots de Pascal), où Ploum et Bruno Leyval rivalisaient à qui ronflerait le plus fort. En fait, je ne sais pas si l’histoire retiendra quoi que ce soit.</p> <p>Nos tentatives paraissent parfois dérisoires face aux monstres commerciaux qui imposent aux libraires la présence de 50 exemplaires de chaque nouveauté en tête de gondole.</p> <p>Mais, au moins, nous essayons de proposer une alternative : la liberté et l’originalité. Et nous continuerons d’essayer, de toutes nos forces.</p> <p>Mon prochain roman sortira en septembre/octobre aux éditions PVH (mais pas dans la collection Ludomire, je vous laisse la surprise). C’est un roman univers et les discussions vont déjà bon train pour l’adapter en jeu de rôle. Les premiers lecteurs rêvent également de le voir adapté en bande dessinée (si un dessinateur accroche à l’intrigue). </p> <h2 id="soustitre-4">Mais ce n’est pas tout !</h2> <p>Car tout ce que nous créons avec PVH n’aurait aucun sens s’il n’y avait pas vous, les lecteurs. Des lecteurs qui peuvent s’approprier la culture libre, l’adapter, la partager autour d’eux ou sur des blogs. Des lecteurs qui viennent discuter lors des salons et des séances de dédicaces. Comme ce couple dont la fille a été baptisée en l’honneur d’une héroïne de Sara Schneider. Où ces lecteurs de mon blog, qui m’avouent préférer les versions epub pirates, ce que j’encourage fortement ! C’est d’ailleurs le défaut des licences libres : les versions pirates n’en sont plus vraiment, ce qui enlève un peu le sel du téléchargement sur libgen.rs.</p> <p>Et puis il y a les libraires, qui partagent notre passion, qui mettent en valeur un livre de la collection où nous accueillent pour une dédicace, qui font vivre la littérature de l’imaginaire malgré son caractère désormais démodé et peu rentable. Si vous ne piratez pas vos livres, s’il vous plait, tentez de vous les procurer chez un libraire indépendant ! Leur apport à la culture est essentiel.</p> <h2 id="soustitre-5">Et puis c’est mieux que tout…</h2> <p>Je suis baigné dans un maelstrom d’auteurs, d’artistes de tout poil, d’éditeur, d’intellectuels, de blogueurs que je croise dans les trains, de programmeurs, de rôlistes, de geeks, de lecteurs de ce blog avec qui j’échange régulièrement. Je rencontre des personnes de tous les horizons qui partagent mes passions pour l’imaginaire et la liberté. Qui partagent souvent mes colères. Qui, parfois, deviennent des amis.</p> <p>Peut-être que ce n’est pas un nouvel âge d’or. Ce n’est certainement pas un nouvel âge d’or.</p> <p>Mais, pour moi, grâce à vous tous, ça y ressemble vachement.</p> <p>Et c’est peut-être tout ce qui compte…</p> <p>Alors merci ! Merci d’en faire partie et, chacun·e à votre manière, de le faire exister.</p> <div class="signature"><p>Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser <a href="/atom_fr.xml">mon flux RSS francophone</a> ou <a href="/atom.xml">le flux RSS complet</a>.</p> <p>Pour me soutenir, <a href="/livres.html">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) ! Je viens justement de publier un <a href="/et-autres-joyeusetes-que-nous-reserve-le-futur/index.html">recueil de nouvelles</a> qui devrait vous faire rire et réfléchir. Je fais également partie du <a href="/2023-12-12-sf-en-vf.html">coffret libre et éthique « SF en VF »</a>.</p> </div> Ploumhttps://ploum.net La complexité de la simplicité https://ploum.net/2024-06-05-complexite-simplicite.html 2024-06-05T00:00:00Z 2024-06-05T00:00:00Z <h1>La complexité de la simplicité</h1> <h2 id="soustitre-1">Nous avons oublié comment faire simple</h2> <p>Le projet Standard Ebooks a pour vocation de prendre les œuvres du domaine public (genre projet Gutenberg) et d’en faire de beaux, jolis epubs qui sont un plaisir à lire sur une liseuse. Le projet a un certain succès : en 2021, 1,4 million de livres ont été téléchargés pour un site qui accumule 1,2 million de vues par mois (sans compter les appels à l’API et au flux RSS).</p> <p>Le tout tourne sans souci sur un petit serveur monocœur doté de 2GB de RAM.</p> <p>Le secret ?</p> <p>Attention, vous n’allez pas en croire vos oreilles…</p> <p>Roulements de tambour !</p> <p>Pas d’utilisation de frameworks ni de JavaScript. Voilà. C’est tout. C’est un site web qui utilise du PHP fait à la main et stocke les fichiers… sur un disque dur.</p> <ul> <li><a href="https://alexcabal.com/posts/standard-ebooks-and-classic-web-tech">How Standard Ebooks serves millions of requests per month with a 2GB VPS; or, a paean to the classic web (alexcabal.com)</a></li> </ul> <p>Nous avons oublié à quel point nos ordinateurs sont des monstres de puissance. Mais nous les mettons à genoux avec des couches de complexité inutiles. Vous avez besoin d’une base de donnée sur un container clustérisé ? Non, il y a 99% de chances que des fichiers sur un disque dur soit la réponse à votre problème. Vous avez besoin d’un framework javascript ? Non, vous avez besoin de réfléchir au contenu de votre page web qui, dans 99% des cas, peut être statique avec une jolie CSS si vous voulez vous démarquer.</p> <p>La complexité est une arnaque. La complexité vous coûte une fortune. Votre site corporate doit à présent migrer sur un docker dans Amazon S3 à cause de tous les frameworks qu’il nécessite alors qu’il s’agit globalement de texte, d’images et de quelques formulaires pour les cas particuliers.</p> <p>Vous croyez simplifier et diminuer les coûts en confiant, par exemple, la gestion de votre trafic web à Cloudfare ? En réalité, vous avez lancé le compte à rebours d’une bombe qui explosera un jour ou l’autre. Vous allez devoir payer, passez des nuits blanches. </p> <ul> <li><a href="https://robindev.substack.com/p/cloudflare-took-down-our-website">Cloudflare took down our website after trying to force us to pay 120k$ within 24h (robindev.substack.com)</a></li> </ul> <p>La technologie n’est jamais une solution à l’incompétence. Au contraire, elle l’exacerbe.</p> <p>Pour trouver la solution ultime à tous les problèmes, il existe un algorithme, celui de Feynman :</p> <p>1. Écrire le problème<br> 2. Réfléchir<br> 3. Écrire la solution</p> <p>Cela ressemble à une blague, mais c’est littéralement comme ça que toutes les bonnes idées sont apparues. Et c’est exactement ça que personne ne fait et ne veut faire. Parce que les étapes 1. et 2. sont vues comme inefficaces et qu’il faudrait passer directement à la troisième.</p> <ul> <li><a href="https://www.marginalia.nu/log/a_108_feynman_revisited/">Feynman&#x27;s Garden (www.marginalia.nu)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-2">L’élégance du texte brut</h2> <p>En termes de simplicité, rien ne vaut le texte brut. Le seul format qui est et restera lisible sur absolument tout ordinateur qui existe. Pour la pérennité, rien ne vaut le texte brut.</p> <p>Mais, outre la pérennité, le texte brut offre bien d’autres qualités : c’est gratuit, indépendant de tout logiciel particulier. Vous pouvez changer d’éditeur à votre convenance. Et, surtout, c’est incroyablement puissant. </p> <p>Vous voulez organiser vos notes et vos données ? Utilisez les répertoires. Vous voulez chercher ? Pour un informaticien un minimum compétent, il suffit de faire un petit coup de find ou de grep. Des opérations complexes ? Sed, uniq, sort voire awk.</p> <ul> <li><a href="https://sive.rs/plaintext">Write plain text files (sive.rs)</a></li> </ul> <p>Le texte brut et les outils Unix de base, c’est comme la dactylo : ce sont quelques heures (ou plus) d’apprentissage inconfortable pour une vie entière à avoir le sentiment que l’ordinateur fait exactement ce qu’on attend de lui. Mais quelques heures d’apprentissage réel et concentré, c’est difficile. C’est un choix. Dans le monde de l’industrie, l’immense majorité des informaticiens préfèrent une vie entière d’asservissement à l’ordinateur et aux fournisseurs de logiciels propriétaires.</p> <h2 id="soustitre-3">Un artisan doit chérir ses outils</h2> <p>Il n’y a pas que les informaticiens. Pour un écrivain, le traitement de texte est un instrument. Thierry Crouzet revient sur son parcours d’écrivain dans ce poignant billet.</p> <blockquote> utiliser [MS Word] c’est ne se poser aucune question politique ou philosophique quant à l’époque, c’est faire comme si rien n’avait changé, c’est laisser sa conscience en berne, c’est croire que l’outil n’a aucune importance, c’est être d’une crasse ignorance des dessous du monde, et se laisser abandonner à de belles histoires qui n’ont aucune profondeur contemporaine.<br></blockquote> <ul> <li><a href="https://tcrouzet.com/2024/05/23/la-guitare-de-lauteur/">L’écriture à l’état brut (tcrouzet.com)</a></li> </ul> <p>Quand j’y repense, mon parcours est un peu similaire. J’ai commencé à écrire avec Microsoft Works sur Windows 3.1, je suis passé à Wordpad sur Windows 98 parce qu’il se lançait plus vite que Word et qu’il était plus simple. Une fois sous Linux, alors que j’utilisais StarOffice pour les documents &quot;officiels&quot;, Gedit pour le python et Vim pour les fichiers de configuration/les scripts bash, je préférais écrire des nouvelles sous Abiword. Mais, cherchant encore la simplification, je suis passé à Pyroom, un éditeur de texte tout simple et plein écran. Mes quelques années sous Mac m’ont fait tester Ulysses, sur recommandation de Thierry. De retour sous Linux, j’ai utilisé Zettlr et, très brièvement, Obsidian. </p> <p>À ce moment-là, je me suis rendu compte que j’utilisais Vim depuis 20 ans sans l’avoir jamais vraiment appris. J’ai pris quelques semaines pour faire ces fameuses « quelques heures d’apprentissage inconfortable ». Le « Vim pour les humains » de Vincent Jousse sous le coude, je me suis forcé à mémoriser une commande à la fois. Depuis, je n’utilise que (Neo)Vim, sans plug-in, sans configuration autre qu’une adaptation à mon clavier bépo. Tout me semble tellement naturel que je me déplace, je modifie, je relis avec les commandes Vim sans même y penser.</p> <ul> <li><a href="https://vimebook.com/fr">Vim pour les humains (vimebook.com)</a></li> </ul> <p>Mais, en parallèle de ce retour à Vim, je me suis également mis à la machine à écrire. Les nouvelles les plus récentes de mon recueil « Stagiaire au spatioport Omega 3000 » ont été tapées à la machine. Sauriez-vous les détecter ? Car, oui, je pense que l’outil influence énormément l’écriture, comme l’a analysé Thierry dans son excellent essai « La mécanique du texte ».</p> <p>La machine à écrire force à aller à l’essentiel. Sa résistance mécanique et l’impossibilité d’effacer sont des outils incroyables pour penser là où les traitements de texte permettent de dégueuler du texte au kilomètre sans réfléchir puis de tout réarranger à coup de copier-coller pour que ça se vende. À ce titre, les assistants « intelligents » ne sont qu’une étape de plus pour produire du texte de merde au kilomètre.</p> <p>Et comme le dit très bien Thierry, il faut peut-être être geek pour faire tous ces apprentissages, mais comment ne pas être geek lorsqu’on travaille toute la journée sur un ordinateur ? Comment respecter un menuisier qui n’aurait aucun intérêt pour ses outils et utiliserait un outil multifonction soldé chez Aldi pour tout faire parce que « l’outil ne l’intéresse pas » ?</p> <p>Mon prochain roman, qui sortira fin septembre ou début octobre, a été entièrement écrit sur une Hermes Baby, une machine à écrire ultraportable des années 1960. Et vous verrez que ce mélange de mécanique et de voyage se prête particulièrement bien au thème. Mais je n’ai pas choisi la machine à cause du texte. C’est, au contraire, la machine qui a choisi le texte. </p> <p>Écrire dans Vim ou à la machine me parait tellement simple, tellement évident.</p> <h2 id="soustitre-4">Fuir la complexité ?</h2> <p>Faut-il fuir la complexité à tout prix ? Ce serait simplifier mon discours (tentative d’humour volontaire). L’humanité est une interconnexion incroyablement complexe de très nombreux systèmes relativement simples. Un écosystème sain est composé de composants simples, nombreux, différents, mais avec des interconnexions complexes.</p> <p>C’est pour ça que j’aime tant la philosophie Unix de l’informatique : une myriade d’outils simples, voire simplissimes, mais dont l’interconnexion est incroyablement complexe. Ces outils nous forcent à repousser la limite de notre imagination, de notre créativité.</p> <p>Nous faisons exactement le contraire : nous avons des interactions simples, voire simplissimes avec très peu de composants dont la complexité nous est, à dessein, cachée : les monopoles. </p> <p>Nous tuons notre imaginaire pour cliquer plus facilement.</p> <p>Nous réduisons la communication à un message Facebook ou Twitter, l’achat en ligne à un clic sur Amazon, la recherche à Google, l’email à Gmail/Outlook, le téléphone à iPhone/Android et le café à Starbucks.</p> <p>La sémantique est importante. Lorsqu’une marque devient un verbe ou un nom commun, elle a gagné. Lorsque l’on ne cherche plus, mais on « google », lorsqu’on ne va plus manger un hamburger, mais un « macdo », nous perdons jusqu’à notre vocabulaire, notre capacité de percevoir des différences, des subtilités, des évolutions.</p> <p>Pensez-y la prochaine fois que vous utiliserez une marque plutôt que le concept sous-jacent !</p> <p>Nous nous faisons non seulement avoir en tant qu’individu, mais nous détruisons également tous l’écosystème humain autour de nous. Accepter d’utiliser les systèmes centralisés n’est pas seulement une capitulation personnelle, c’est un acte destructeur envers la diversité culturelle, technique, politique et humaine.</p> <ul> <li><a href="https://www.noemamag.com/we-need-to-rewild-the-internet/">We Need To Rewild The Internet (www.noemamag.com</a></li> </ul> <div class="signature"><p>Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser <a href="/atom_fr.xml">mon flux RSS francophone</a> ou <a href="/atom.xml">le flux RSS complet</a>.</p> <p>Pour me soutenir, <a href="/livres.html">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) ! Je viens justement de publier un <a href="/et-autres-joyeusetes-que-nous-reserve-le-futur/index.html">recueil de nouvelles</a> qui devrait vous faire rire et réfléchir. Je fais également partie du <a href="/2023-12-12-sf-en-vf.html">coffret libre et éthique « SF en VF »</a>.</p> </div> Ploumhttps://ploum.net Contre nos comportements stupides et criminels, l’apprentissage https://ploum.net/2024-05-14-stupide-criminel-apprentissage.html 2024-05-14T00:00:00Z 2024-05-14T00:00:00Z <h1>Contre nos comportements stupides et criminels, l’apprentissage</h1> <h2 id="soustitre-1">Nos amies les baleines</h2> <p>Le chant des baleines est-il un langage avec une véritable grammaire et une signification précise ? Ou bien est-ce un chant « musical », émotionnel ? Nous n’en savons encore rien. Et c’est extrêmement difficile d’apprendre leur langage, car nous n’avons pas de conversation. Nous ne faisons que les écouter, nous n’avons aucun point de référence.</p> <ul> <li><a href="https://www.smithsonianmag.com/smart-news/scientists-discover-a-phonetic-alphabet-used-by-sperm-whales-moving-one-step-closer-to-decoding-their-chatter-180984326/">Scientists Discover a &#x27;Phonetic Alphabet&#x27; Used by Sperm Whales, Moving One Step Closer to Decoding Their Chatter (www.smithsonianmag.com)</a></li> </ul> <p>Rappelons que les hiéroglyphes égyptiens étaient indéchiffrables alors qu’il s’agissait d’une écriture humaine utilisée moins de 2000 ans auparavant. Nous ne comprenions pas nos propres ancêtres, avec le même cerveau que nous, le même mode de fonctionnement. Il a fallu, pour les déchiffrer, trouver un texte pour lequel nous connaissions la signification (la pierre de Rosette).</p> <p>Les baleines sont une espèce totalement différente de nous, qui évolue dans un milieu totalement différent du nôtre et les seules interactions que nous avons avec elles, c’est pour les massacrer. Nous accomplissons un génocide, nous exterminons une espèce consciente, intelligente et communicante sans sourciller. Et sans réelle nécessité autre que notre petit confort absurde.</p> <p>Nous sommes littéralement les mauvais extra-terrestres d’Independance Day ou de Mars Attack. En plus stupide. Car c’est notre propre planète que nous détruisons.</p> <h2 id="soustitre-2">Parenthèse SF</h2> <p>Je profite de la référence SF pour présenter un tout nouveau blog de critiques de Science-Fiction qui me fait l’honneur de parler de mon recueil « Stagiaire au spatioport Omega 3000 »</p> <ul> <li><a href="https://lacorporation.fr/avis/stagiaire-au-spatioport-omega-3000/">Stagiaire au spatioport Omega 3000 (lacorporation.fr)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-3">Green washing</h2> <p>Nous sommes tellement stupides que, lorsque nous nous rendons vaguement compte du mal que nous faisons, nous tentons de nous acheter une conscience en, surtout, ne changeant rien. J’ai reçu un email qui me demandait, littéralement, si j’avais des solutions pour rendre le monde plus écologique, mais sans rien changer. </p> <p>À ce sujet, Louis Derrac dézingue Écosia, qui le mérite amplement. Le principe d’Écosia c’est de vous montrer des publicités pour vous faire consommer, mais de vous dire que c’est vert parce qu’ils plantent des arbres.</p> <ul> <li><a href="https://louisderrac.com/2024/04/ecosia-browser-ou-quand-le-greenwashing-numerique-fume-la-moquette-tout-en-plantant-des-arbres/">Ecosia Browser, ou quand le greenwashing numérique fume la moquette tout en plantant des arbres (louisderrac.com)</a></li> </ul> <p>Bref, c’est du bullshit à l’état brut. C’est une arnaque jusqu’au plus profond. Car, comment croyez-vous que l’on plante des arbres de manière industrielle ? C’est très simple : on rase une forêt, on fait une plantation d’arbres que l’on coupe régulièrement pour faire du papier et puis on replante. On génère de cette manière des certificats verts qu’on peut revendre. C’est une des raisons qui fait que les « certificats verts » sont une catastrophe écologique.</p> <p>Au départ, je croyais qu’Écosia était simplement un truc un peu benêt, fait par des gens pas très malins. Je commence à penser qu’ils sont, en fait, vraiment malhonnêtes et cyniques. Mais également stupide.</p> <p>Car, comme disait le père Brown, le personnage de G.K. Chesterton :</p> <blockquote> Être assez intelligent pour gagner autant d’argent implique d’être assez stupide pour le vouloir<br></blockquote> <figure> <a href="/files/dessins/240512.jpg"><img alt="Un homme s’écrie « Toutes ces entreprises immorales gagnent des milliards en exploitant, polluant, espionnant… » et deux riches patrons lui répondent : « Vous pouvez nous réexpliquer comment elles font ? Ça nous intéresse ! »" src="/files/dessins/240512.jpg" width="450" class="center"></a> <figcaption>Un homme s’écrie « Toutes ces entreprises immorales gagnent des milliards en exploitant, polluant, espionnant… » et deux riches patrons lui répondent : « Vous pouvez nous réexpliquer comment elles font ? Ça nous intéresse ! »</figcaption> </figure> <p>D’une manière générale : la publicité est une arnaque. C’est le principe. Il y a vingt ans, la publicité prétendait blanchir votre linge sale. Aujourd’hui c’est votre conscience. Mais c’est toujours un mensonge.</p> <p>Ce qui me fend le cœur, c’est de voir des personnes hautement impliquées dans l’écologie et les luttes sociales trouver normal de promouvoir à tout prix leur compte Facebook où Instagram. Avec un iPhone parce que ça prend des plus belles photos pour Instagram. Voire dire que « l’informatique ne les intéresse pas » (alors que c’est la base de notre société et de ses rapports de force). </p> <p>C’est pourquoi je suis content de voir que des initiatives existent désormais pour aider les assocs qui se veulent éthiques à être éthiques également dans le choix de leurs outils.</p> <ul> <li><a href="https://louisderrac.com/2024/03/associations-les-geants-du-numerique-cest-pas-automatique/">Associations : les géants du numérique, c’est pas automatique ! (louisderrac.com)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-4">Addiction aux statistiques</h2> <p>Nous sommes tellement stupides que nous tentons d’optimiser des métriques absurdes en payant ceux qui fournissent ces métriques. Votre manager ne veut pas entendre parler de Mastodon, mais veut que vous intégriez une IA et vous mettiez en avant la page Facebook ?</p> <p>Parce, comme tout le reste du monde, votre manager est, n’ayons pas peur du mot, stupide, et accroc aux statistiques absurdes. Car la page Facebook permet de voir &quot;le nombre de clics journaliers&quot; et le fameux &quot;reach&quot; de chaque post avec des jolis graphiques et des boutons à cliquer pour augmenter ces statistiques pour seulement quelques euros. Mastodon pas. Peertube, non. Alors, difficile de justifier le boulot sur ces plateformes.</p> <ul> <li><a href="/comment-facebook-gagne-de-largent/index.html">Comment Facebook gagne de l’argent (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Ce comportement, crétin et stupide, est tellement normalisé que c’est une des premières critiques que me disent les particuliers qui n’aiment pas Mastodon et/ou Gemini. Ils n’ont aucun intérêt commercial et pourtant ils se plaignent « de ne pas avoir de statistiques ».</p> <p>Vous allez probablement me demander en quoi augmenter des statistiques en payant le fournisseur de statistique a une quelconque utilité et peut être considéré comme un succès.</p> <p>Je suis content que vous posiez la question parce que, justement, les plus grandes entreprises de la planète basent aujourd’hui tout leur business model sur le fait que personne ne la posera jamais.</p> <h2 id="soustitre-5">Encore et toujours l’IA</h2> <p>Le crétinisme ambiant devient particulièrement visible lors des bulles technologiques. Oui, les algorithmes LLMs sont intéressants. Mais non, vous n’en avez pas besoin. Même les utilisateurs les plus enthousiastes de Github Copilot commencent à réaliser qu’ils passent plus de temps à tenter de comprendre ce que le générateur pond plutôt que de l’écrire eux-mêmes. Et, avec candeur, de penser qu’il « suffirait que ça s’améliore juste un peu ».</p> <ul> <li><a href="https://trace.yshui.dev/2024-05-copilot.html#did-github-copilot-really-increase-my-productivity">Did Github copilot really increase my productivity? (trace.yshui.dev)</a></li> </ul> <p>Viznut, le mec qui a inventé le terme « permacomputing », réfléchit avec finesse sur ce que nous appelons l’intelligence artificielle.</p> <ul> <li><a href="http://viznut.fi/texts-en/machine_learning_rant.html">Machine learning is neither good or evil (viznut.fi)</a></li> </ul> <p>Il en sort des conclusions que je partage totalement : oui, la technologie est fascinante et intéressante. Oui, c’est une pure bulle qui va exploser. Mais il en rajoute une couche : le concept même de prompt est absurde et jette à la poubelle 50 ans de recherche et d’expérience sur la notion d’interface utilisateur. Les ordinateurs qui répondent à un prompt, ça fonctionne dans Startrek (et Galaxy Quest quand c’est Sigourney Weaver qui demande) parce qu’il y a un scénario prédéfini.</p> <p>Dans la réalité, un humain a besoin de comprendre comment son outil fonctionne pour affiner les résultats, pour en faire une utilisation créative. À moins qu’on ne veuille surtout pas d’utilisateurs créatifs et intelligents comme le suggère la dernière pub d’Apple pour son iPad ? J’ai, en toute honnêteté, cru qu’il s’agissait d’un spot anti-monopole et anti-Apple lorsque je l’ai vu pour la première fois (cela en dit long sur la prétention des mecs qui, à toutes les échelles de ce projet, n’ont pas réalisé que détruire des instruments de musique pouvait être mal perçu)</p> <ul> <li><a href="https://yt.artemislena.eu/watch?v=ntjkwIXWtrc">Crush, la dernière pub d’Apple</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-6">La médiocrité de la moyenne statistique</h2> <p>Dans les IA, le principe statistique impose, et c’est déjà le cas pour tous les algorithmes de promotions de « contenu », une médiocrité moyenne obligatoire. Il suffit de surfer sur Facebook ou Twitter pour comprendre ce que cette médiocrité « moyenne » représente.</p> <p>Alors, peut-être que beaucoup d’humains n’ont pas envie d’apprendre à utiliser un outil et qu’ils sont contents avec un « prompt » qui leur propose des réponses définitives. Peut-être que beaucoup d’humains ne veulent pas être confrontés à des articles, des histoires ou des œuvres d’art qui sont particulièrement étranges et dérangeantes. En fait, c’est une certitude, la majorité des humains veut faire comme la majorité. Sans oser se l’avouer, bien sûr, mais quand même.</p> <p>Moi pas. Et je ne pense pas être le seul.</p> <p>Alors, par principe, je m’oppose à toute « moyenne statistique de la création humaine ». Je veux des œuvres qui dérangent, des questions qui fâchent, lire des textes qui sont détestés, honnis. </p> <p>Je ne veux pas produire ou consommer du contenu. Je veux créer et découvrir. </p> <h2 id="soustitre-7">Et si la bulle n’avait pas explosé ?</h2> <p>Charlie Stross rappelle que l’IA est objectivement une bulle qui ne sert que les intérêts de Nvidia et qui ne rapporte même pas de quoi payer l’électricité consommée. Cela lui rappelle la bulle dotcom de 2000. Et il se prend un délire génial : et si la bulle de 2000 n’avait pas explosé ? Et si toutes les promesses bullshit s’étaient réalisées ?</p> <ul> <li><a href="http://www.antipope.org/charlie/blog-static/2024/04/the-radiant-future-of-1995.html">The Radiant Future! (Of 1995) (www.antipope.org)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-8">En remettre une couche ou simplifier ?</h2> <p>Au final, rajouter une couche de complexité sur un outil est un manque d’intelligence.</p> <blockquote> Plus on a de compétences techniques, plus on peut utiliser des technologies « basses », et plus on est incompétent, plus on utilise une technologie haut niveau qui décide à notre place. Donc il faut essayer d’enseigner la technologie la plus « basse » possible pour permettre aux enfants d’être en mesure de comprendre ce qu’ils font.<br> <br> Marcello Vitali-Rosati, auteur de « Éloge du bug »<br></blockquote> <ul> <li><a href="https://usbeketrica.com/fr/article/le-bug-un-outil-de-resistance-insoupconne-face-a-la-mainmise-des-gafam">Éloge du bug, cet outil de résistance précieux face aux géants du numérique (usbeketrica.com)</a></li> </ul> <p>Je le vois autour de moi : toute personne qui creuse un peu, qui réfléchit tente de simplifier ses outils, de revenir à l’essentiel.</p> <p>Thierry Crouzet a suivi un chemin très similaire au mien pour quitter Wordpress et revenir au texte brut. Si je ne vous ai pas encore convaincu, voici une autre version, une autre vision de la même solution au même problème. Avec un titre parfaitement adapté à la situation.</p> <ul> <li><a href="https://tcrouzet.com/2024/04/30/no-more_wordpress/">Libérer l’écriture des pesanteurs (tcrouzet.com)</a></li> </ul> <p>J’avoue de mon côté une fascination pour les réseaux dits « off-grid », qui ne reposent sur aucune infrastructure publique majeure (comme Internet repose sur le réseau téléphonique/câbles sous-marins/fibre optique).</p> <p>Lark est justement en train de tester Meshtastic.</p> <ul> <li><a href="gemini://lark.gay/posts/exploring-meshtastic.gmi">Exploring Meshtastic (lark.gay)</a></li> <li><a href="https://meshtastic.org/">Meshtastic (meshtastic.org)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-9">Productivité</h2> <p>Cela fait 35 ans que j’écris sur un ordinateur. Avec le recul, je n’ai aucun doute sur ce qui a eu le plus d’impact sur ma productivité : apprendre la dactylographie.</p> <p>Si je ne dois conseiller qu’un seul apprentissage à ceux qui veulent augmenter à la fois le plaisir et leur productivité sur un ordinateur, c’est bien la dactylographie. Et, tant qu’à faire, autant l’apprendre sur une disposition optimisée comme le bépo.</p> <ul> <li><a href="/216-le-bepo-sur-le-bout-des-doigts/index.html">Le bépo sur le bout des doigts (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Mon expérience date un peu, mais Mart-e a fait un long compte rendu de son passage, d’abord au Bépo puis à l’Ergo-L (le passage à l’Ergo-L me tente bien).</p> <ul> <li><a href="https://mart-e.be/2024/05/un-clavier-a-dix-doigts">Un clavier à dix doigts (mart-e.be)</a></li> </ul> <p>Si j’écris avec autant de facilité, c’est parce que je maitrise mon clavier Bépo et mon éditeur, Vim. Je n’utilise rien d’autre, pas même un plugin. J’écris de petits scripts bash pour accomplir les opérations répétitives. Et force est de constater que je suis productif pour écrire du texte et du code. </p> <p>Aucune innovation ne peut passer outre l’apprentissage. Aucun ordinateur ne pourra jamais accomplir ce que vous voulez si vous n’avez pas d’abord appris à savoir ce que vous voulez.</p> <p>Si vous pensez qu’une intelligence artificielle va augmenter votre productivité, mais que vous n’êtes pas prêt à investir quelques heures pour apprendre la dactylographie, vous êtes, excusez-moi de vous le dire, un crétin. Vous espérez faire plus en pensant moins. Or le monde a exactement besoin du contraire : des gens qui pensent plus pour faire moins.</p> <p>Notre stupidité est en train de détruire notre monde, de détruire la vie. Les nouveaux outils ne feront qu’envenimer la situation. Notre seule arme, l’unique, c’est l’apprentissage et l’éducation.</p> <div class="signature"><p>Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser <a href="/atom_fr.xml">mon flux RSS francophone</a> ou <a href="/atom.xml">le flux RSS complet</a>.</p> <p>Pour me soutenir, <a href="/livres.html">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) ! Je viens justement de publier un <a href="/et-autres-joyeusetes-que-nous-reserve-le-futur/index.html">recueil de nouvelles</a> qui devrait vous faire rire et réfléchir. Je fais également partie du <a href="/2023-12-12-sf-en-vf.html">coffret libre et éthique « SF en VF »</a>.</p> </div> Ploumhttps://ploum.net Lectures : Soyez un héros, passez en manuel ! https://ploum.net/2024-04-26-lectures-passez-en-manuel.html 2024-04-26T00:00:00Z 2024-04-26T00:00:00Z <h1>Lectures : Soyez un héros, passez en manuel !</h1> <h2 id="soustitre-1">L’abrutissement de l’automatisation</h2> <p>Une tiktokeuse lance la mise à jour de sa Tesla et se retrouve coincée dedans pendant 40 minutes.</p> <ul> <li><a href="https://affordance.framasoft.org/2024/04/la-tiktokeuse-et-la-tesla/">La Tiktokeuse et la Tesla. Jonas et la baleine Reloaded. (affordance.framasoft.org)</a></li> </ul> <p>Mais, comme le souligne brillamment Olivier Ertzscheid, la subtilité est qu’elle aurait pu sortir… en ouvrant la porte « manuellement », ce qu’elle s’est refusée à faire.</p> <p>D’un autre côté, le simple fait qu’on puisse ouvrir une porte non manuellement est inquiétant. Parce qu’on perd l’habitude de ce geste simple est qu’en cas d’urgence, on pourrait tout simplement ne pas y penser. Comme nous avons perdu la capacité d’imaginer réparer un objet qui tombe en panne.</p> <p>Nous sommes devenus cette masse abrutie qui regarde béatement le héros lorsque, devant la catastrophe imminente, celui-ci annonce, sûr de lui : « je passe en manuel ! ». </p> <h2 id="soustitre-2">Mort aux notifications</h2> <p>Un autre truc pour lequel on devrait passer en manuel : les notifications.</p> <p>Je le dis et le répète : les notifications sont une abomination. Elles représentent littéralement quelqu’un qui vient vous taper sur l’épaule pour vous interrompre sans ménagement dans ce que vous faites, quelle que soit la situation.</p> <p>La seule personne que j’autorise à faire cela, c’est moi-même. Les seules notifications que j’accepte sont donc celles de mon agenda. Mon bureau Regolith n’a même pas de notifications tout court et mon téléphone est soit en silencieux, soit en mode avion. Seule exception : lorsque j’attends un coup de fil ou que je veux être joignable pour mon épouse. Et je peste de ne pas pouvoir activer les notifications uniquement pour une personne particulière. Pourquoi pensez-vous que cette fonctionnalité évidente soit si rare, voire inexistante ?</p> <p>Le simple fait que, par défaut, tous nos appareils soient conçus pour nous interrompre est la preuve que nous sommes du bétail exploité par les fabricants. Sur macOS, il est impossible de désactiver de manière permanente les notifications. J’ai même reçu le témoignage de personnes qui ne savaient pas qu’il était possible de désactiver les « bip bip » incessants de leur téléphone (mise à jour d’app, notifications aléatoires, etc.) Ça les ennuyait, mais elles vivaient avec, croyant que c’était le prix à payer.</p> <p>Chaque notification est une source de stress, même si elle ne vient pas de votre téléphone, même si vous n’êtes pas concerné. Le son des notifications est pensé et conçu pour mettre votre cerveau en alerte, pour générer une petite décharge d’adrénaline. Les notifications nous épuisent littéralement.</p> <ul> <li><a href="https://theconversation.com/telephone-mail-notifications-comment-le-cerveau-reagit-il-aux-distractions-numeriques-227628">Téléphone, mail, notifications… : comment le cerveau réagit-il aux distractions numériques ? (theconversation.com)</a></li> </ul> <p>Je suis devenu un psychopathe antinotifications. Pour tous les numéros inconnus qui m’ont appelé ou qui m’ont envoyé un SMS publicitaire, je dépose d’ailleurs une plainte sur le point de contact belge. Je viens de le faire pour un opticien de ma ville qui m’a annoncé par SMS que les appareils auditifs étaient en promotion. J’ai donné mon numéro, il y a plusieurs années, pour qu’ils puissent me prévenir quand mes lunettes étaient réparées.</p> <ul> <li><a href="https://pointdecontact.belgique.be/">pointdecontact.belgique.be</a></li> </ul> <p>Je ne suis pas sûr de l’utilité, mais je me dis que, à la longue, si on est plusieurs dizaines à faire pareil, ça va commencer à ne plus pouvoir être ignoré.</p> <p>Et je me désabonne d’absolument tout email qui arrive dans mon inbox depuis une liste. Si je suis réabonné, je désactive l’alias dans SimpleLogin.</p> <ul> <li><a href="/desabonnez-moi/index.html">Désabonnez-moi ! (ploum.net)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-3">L’omniprésence du tracking</h2> <p>Une bonne manière de visualiser que toute votre activité en ligne est surveillée et de faire en sorte que votre ordinateur émette une… notification sous forme de bip sonore à chaque fois qu’il envoie des données vers un espion identifié. Oui, je me contredis. Mais ici, c’est juste pour l’expérience ! </p> <p>C’est ce qu’a fait Bert Hubert. Ceci ne prend évidemment pas en compte les espions non identifiés. Mais c’est déjà impressionnant en soi. Allez voir la seconde vidéo pour vous donner une idée.</p> <ul> <li><a href="https://berthub.eu/articles/posts/tracker-beeper/">Bert Hubert&#x27;s Tracker Beeper (berthub.eu)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-4">Abonnez-vous à ma chaîne !</h2> <p>Tant qu’on y est, pour être notifié chaque fois que je poste un billet, n’oubliez pas de vous abonner à ma chaîne ! Enfin, ma mailing-liste ;-)</p> <figure> <a href="/files/ma_chaine.jpg"><img alt="Un prisonnier enchaîné dit à un autre « Abonnez-vous à ma chaîne ! »" src="/files/ma_chaine.jpg" width="450" class="center"></a> <figcaption>Un prisonnier enchaîné dit à un autre « Abonnez-vous à ma chaîne ! »</figcaption> </figure> <h2 id="soustitre-5">Israël et Whatsapp</h2> <p>Loin de passer en manuel, Israël utiliserait &quot;l’intelligence artificielle&quot; pour déterminer les cibles de ses frappes. Et de forts soupçons existent sur le fait que cette IA soit alimentée par des données Whatsapp. C’est entièrement plausible, car, contrairement à Signal, Whatsapp recueille des myriades d’informations sur vous. Je l’ai vécu il y a quelques années lorsque j’avais encore des comptes Facebook et Whatsapp. Un de mes anciens propriétaires, avec qui je n’étais plus en contact depuis des années, m’a envoyé par erreur un message Whatsapp. Dans les minutes qui ont suivi ma réponse pour lui signifier son erreur, Facebook m’a proposé d’être ami avec cette personne (nous n’avions ni connaissance ni page suivie en commun).</p> <p>Le simple fait d’être dans un groupe de discussion avec un terroriste, d’être en contact avec lui voire d’être au même endroit à un moment donné suffirait à faire de vous une victime d’une frappe. Et tant pis si le terroriste était dans un appartement deux étages au-dessous du vôtre : vous partagiez les mêmes coordonnées géographiques !</p> <ul> <li><a href="https://blog.paulbiggar.com/meta-and-lavender/">Meta and Lavender (blog.paulbiggar.com)</a></li> </ul> <p>Notez que ce n’est pas neuf. Plusieurs exemples existent en Afghanistan de victimes ayant été ciblées, car ayant, selon des algorithmes « intelligents », un « comportement suspect ». Je me souviens d’un médecin pakistanais tué par un drone US. Il était considéré comme suspect, car passant fréquemment la frontière (il travaillait en Afghanistan et vivait au Pakistan) et changeant régulièrement de carte sim (oui, il en avait une pour chaque pays pour des raisons évidentes d’abonnement).</p> <p>Ce qui est fascinant c’est à quel point ces outils permettent de diluer la responsabilité. Les militaires obéissent aux ordres, les commanditaires disent se fier aux algorithmes, les programmeurs que la responsabilité incombe aux collecteurs de données et ces derniers prétendent ne faire que collecter des données, ne rien en inférer ni décider.</p> <p>C’est d’ailleurs le véritable marché de l’intelligence artificielle : diluer la responsabilité. Une voiture tue un piéton ? C’est « l’algorithme ». Une entreprise balance des tonnes de produits néfastes dans une rivière ? C’est « une erreur de programmation ».</p> <p>Être sur Whatsapp est potentiellement mortel. Vos données seront, un jour, utilisées contre vous. Et certainement par erreur. La question n’est pas de savoir si vous avez quelque chose à vous reprocher, mais si un algorithme ne pourrait pas un jour penser que vous êtes potentiellement dangereux. Et ce, pour chaque algorithme qui existe et pour chaque jeu de données.</p> <p>En attendant, utilisez Signal. Signal n’est pas parfait, mais n’a, pour seules données à votre sujet, que votre numéro de téléphone, la date de création de votre compte et la date de votre dernière connexion. Contrairement à Whatsapp, Signal n’a accès ni à vos contacts, ni à votre localisation, ni à vos groupes, ni à vos habitudes. Signal n’est pas non plus une entreprise commerciale, mais une fondation (dont une grande partie du financement vient d’un don… du créateur de Whatsapp, qui a renié sa création après avoir vu ce que Facebook en faisait).</p> <p>Pour ceux qui le peuvent, supprimez Whatsapp. Oui, vous allez rater des choses. Mais vous allez aussi faire évoluer la masse critique vers Signal. L’effort en vaut la peine.</p> <h2 id="soustitre-6">Signal se merdifie ? Non, c’est Apple !</h2> <p>Lors d’un appel vidéo récent sur Signal, j’ai eu la surprise de voir s’afficher des émojis en forme de pouces levés chaque fois que mon correspondant agitait les mains. Je me suis immédiatement demandé comment Signal pouvait ajouter cette fonctionnalité sans intercepter la vidéo. Après recherche, il s’est avéré que ce n’est pas Signal, mais bien l’iPhone qui fait ça automatiquement.</p> <ul> <li><a href="https://github.com/signalapp/Signal-Desktop/issues/6700">Facetime &quot;Reaction&quot; Video Effects (hearts, thumbs up bubbles, etc) injected into Signal video (github.com)</a></li> </ul> <p>Résultat : ce truc, dont je n’ose imaginer le coût de développement et l’impact sur la batterie, apparaissait tout le temps et nous a fait perdre 15 minutes de discussion avant de commencer à nous énerver sérieusement. Ce n’est même plus possible de discuter sérieusement sans être distrait. C’est un peu comme les notifications : ces produits ne sont pas pensés pour nous permettre d’être productif ou épanoui, mais, par défaut, pour nous distraire. Dans tous les sens du terme. Pour nous empêcher de penser.</p> <h2 id="soustitre-7">N’attendez pas, agissez !</h2> <p>Distraction, espionnage permanent, ciblage publicitaire ou par drone tueur : cette merdification n’est pas seulement prévisible, elle est inévitable. Oui, votre activité sur Whatsapp et partout ailleurs va un jour se retourner contre vous. Aux États-Unis, les données de votre voiture servent déjà à augmenter le tarif de votre assurance.</p> <ul> <li><a href="https://linuxfr.org/users/sebas22/journaux/quand-votre-voiture-vous-espionne-et-vous-le-fait-payer">Quand votre voiture vous espionne… et vous le fait payer (sebas22)</a></li> </ul> <p>Vous pouvez supprimer sans crainte vos comptes Reddit, Twitter, LinkedIn et bien d’autres. En les supprimant définitivement, par opposition à une simple « désactivation », vous forcez l’effacement d’une partie de vos données. Cette suppression peut avoir des effets bénéfiques insoupçonnés sur votre santé mentale.</p> <ul> <li><a href="/chapitre-10-la-suppression-des-comptes-en-ligne/index.html">Chapitre 10 : la suppression des comptes en ligne (ploum.net)</a></li> </ul> <p>De toute façon, de plus en plus de comptes sur ces plateformes sont des bots qui servent à faire de la pub. Si un compte interagit avec vous en vous parlant d’un service en ligne, c’est probablement un bot. Pardon, une « intelligence artificielle ».</p> <ul> <li><a href="https://www.404media.co/ai-is-poisoning-reddit-to-promote-products-and-game-google-with-parasite-seo/">AI Is Poisoning Reddit to Promote Products and Game Google With &#x27;Parasite SEO&#x27; (www.404media.co)</a></li> </ul> <p>Passez en manuel : supprimer vos réseaux sociaux propriétaires et venez tester Mastodon !</p> <p>Supprimer un compte fait peur. On va perdre plein de données. Mais, en fait, vous les perdrez un jour ou l’autre, quand vous vous y attendrez le moins. Pour une raison débile. Parce qu’un algorithme aura déterminé que vous avez « enfreint les conditions d’utilisation ».</p> <ul> <li><a href="/et-si-vos-comptes-disparaissaient-demain/index.html">Et si vos comptes disparaissaient demain ? (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Et oui, vous allez un jour perdre votre accès à toutes les vidéos que vous avez mises sur YouTube. </p> <p>YouTube qui est tellement incontournable qu’il ne peut que se merdifier. Et il le fait. YouTube suivrait-il la voie de Twitter ? Oui, même si c’est moins spectaculaire, moins Elonesque. </p> <p>Si vous avez des vidéos, postez-les sur un compte Peertube. Si vous avez une chaîne, faites-en une copie sur Peertube et parlez-en. Normalisez le fait d’être un vidéaste sur Peertube.</p> <ul> <li><a href="https://joinpeertube.org/">JoinPeerTube (joinpeertube.org)</a></li> </ul> <p>Si vous avez des données que vous souhaitez conserver sur Twitter, Facebook, Instagram, LinkedIn et YouTube, faites-en une copie, car vous allez les perdre comme j’ai perdu tout ce que j’avais posté sur Google+. Ce n’est pas une prédiction, mais une certitude. Ce n’est qu’une question de temps.</p> <p>Alors, soyez le héros, passez en manuel : sauvegardez vos données et supprimez vos comptes propriétaires !</p> <div class="signature"><p>Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. 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