Ploum.net le blog de Lionel Dricot 2025-02-21T10:00:00.996306Z https://ploum.net/ Ploumhttps://ploum.net De la soumission au technofascisme religieux https://ploum.net/2025-02-19-technofascisme-religieux.html 2025-02-19T00:00:00Z 2025-02-19T00:00:00Z <h1>De la soumission au technofascisme religieux</h1> <h2 id="soustitre-1">Les générateurs de code stupide</h2> <p>Sur Mastodon, David Chisnall fait le point sur une année d’utilisation de GitHub Copilot pour coder. Et le résultat est clair : si, au début, il a l’impression de gagner du temps en devant moins taper sur son ordinateur, ce temps est très largement perdu par les heures voire les jours nécessaires à déboguer des bugs subtils qui ne seraient jamais arrivés s’il avait écrit le code lui-même en premier lieu ou, au pire, qu’il aurait pu détecter beaucoup plus vite.</p> <ul> <li><a href="https://mamot.fr/@david_chisnall@infosec.exchange/113690087179982501">Thread Mastodon de David Chisnall</a></li> </ul> <p>Il réalise alors que la difficulté et le temps passé sur le code n’est pas d’écrire le code, c’est de savoir quoi et comment l’écrire. S’il faut relire le code généré par l’IA pour le comprendre, c’est plus compliqué pour le programmeur que de tout écrire soi-même.</p> <p>« Oui, mais pour générer le code pas très intelligent »</p> <p>Là, je rejoins David à 100% : si votre projet nécessite d’écrire du code bête qui a déjà été écrit mille fois ailleurs, c’est que vous avez un problème. Et le résoudre en le faisant écrire par une IA est à peu près la pire des choses à faire.</p> <p>Comme je le dis en conférence : ChatGPT apparait utile pour ceux qui ne savent pas taper sur un clavier. Vous voulez être productif ? Apprenez la dactylographie !</p> <ul> <li><a href="https://indymotion.fr/w/1FBN53pHuK3QBzFUL4sL6n">Comprendre les bulles (conférence à Rennes Breizhcamp 2024)</a></li> </ul> <p>Là où ChatGPT est très fort, par contre, c’est de faire semblant d’écrire du code. En proposant des tableaux d’avancement de son travail, en prétendant que tout est bientôt prêt et sera sur WeTransfer. C’est évidemment bidon : ChatGPT a appris à arnaquer !</p> <ul> <li><a href="https://xcancel.com/JulienPasteur1/status/1891896422397563217?mx=2">Julien Paster raconte sur X comment son kiné s’est fait arnaqué par ChatGPT (xcancel.com)</a></li> </ul> <p>Bref, ChatGPT est devenu le parfait Julius.</p> <ul> <li><a href="/2024-12-23-julius-fr.html">Mon collègue Julius (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Ed Zitron enfonce encore plus le clou à ce sujet : les ChatGPTs et consorts sont des « succès » parce que toute la presse ne fait qu’en parler en termes élogieux, que ce soit par bêtise ou par corruption. Mais, en réalité, le nombre d’utilisateurs payants est incroyablement faible et, comme Trump, Sam Altman s’adresse à nous en considérant que nous sommes des débiles qui avalons les plus gros mensonges sans broncher. Et les médias et les CEOs applaudissent…</p> <ul> <li><a href="https://www.wheresyoured.at/longcon/">The Generative AI Con (www.wheresyoured.at)</a></li> </ul> <p>Débiles, nous le sommes peut-être complètement. Plusieurs dizaines d’articles scientifiques mentionnent désormais la « miscroscopie électronique végétative ». Ce terme ne veut rien dire. Quelle est son origine ?</p> <p>Il vient tout simplement d’un article de 1959 publié sur deux colonnes, mais qui est entré dans le corpus comme une seule colonne !</p> <ul> <li><a href="https://retractionwatch.com/2025/02/10/vegetative-electron-microscopy-fingerprint-paper-mill/">As a nonsense phrase of shady provenance makes the rounds, Elsevier defends its use (retractionwatch.com)</a></li> </ul> <p>Ce que cette anecdote nous apprend c’est que, premièrement, les générateurs de conneries sont encore plus mauvais qu’on ne l’imagine, mais, surtout, que notre monde est déjà rempli de cette merde ! Les LLMs ne font qu’appliquer au contenu en ligne ce que l’industrie a fait pour le reste : les outils, les vêtements, la bouffe. Produire le plus possible en baissant la qualité autant que possible. Puis en l’abaissant encore plus.</p> <ul> <li><a href="/condorcet-les-reseaux-sociaux-et-les-producteurs-de-merde/index.html">Condorcet, les réseaux sociaux et les producteurs de merde (ploum.net)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-2">La suppression des filtres</h2> <p>L’imprimerie fait passer la communication de &quot;One to one&quot; à &quot;One to many&quot;, ce qui rend obsolète l’Église catholique, l’outil utilisé en occident pour que les puissants imposent leur discours à la population. La première conséquence de l’imprimerie sera d’ailleurs le protestantisme qui revendique explicitement la capacité pour chacun d’interpréter la parole de Dieu et donc de créer son propre discours à diffuser, le &quot;One to many&quot;. </p> <p>Comme le souligne Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris, « la presse tuera l’église ».</p> <ul> <li><a href="/lectures-4-un-tournant-civilisationnel/index.html">Lectures 4 : un tournant civilisationnel (voir la section &quot;L’imprimerie&quot;)</a></li> </ul> <p>Conséquences directes de l’imprimerie : la Renaissance puis les Lumières. Toute personne qui réfléchit peut diffuser ses idées et s’inspirer de celles qui sont diffusées. Chaque humain ne doit plus réinventer la roue, il peut se baser sur l’existant. L’éducation prend le pas sur l’obéissance.</p> <p>Après quelques siècles de « One to many » apparait l’étape suivante : Internet. Du « One to many » on passe au « Many to many ». Il n’y a plus aucune limite pour diffuser ses idées : tout le monde peut le faire envers tout le monde.</p> <ul> <li><a href="/il-faudra-la-construire-sans-eux/index.html">Il faudra la construire sans eux… (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Une conséquence logique qui m’avait échappé à l’époque du billet précédent, c’est que si tout le monde veut parler, plus personne n’écoute. Comme beaucoup, j’ai cru que le « many to many » serait incroyablement positif. La triste réalité est que l’immense majorité d’entre nous n’avons pas grand-chose à dire, mais que nous voulons quand même nous faire entendre. Alors nous crions. Nous générons du bruit. Nous étouffons ce qui est malgré tout intéressant. </p> <p>L’investissement nécessaire pour imprimer un livre ainsi que le faible retour direct constitue un filtre. Ne vont publier un livre que ceux qui veulent vraiment le faire.</p> <p>La pérennité de l’objet livre et la relative lenteur de sa transmission implique également un second filtre : les livres les moins intéressants seront vite oubliés. C’est d’ailleurs pourquoi nous idéalisons parfois le passé, tant en termes de littérature que de cinématographie ou de musique : parce que ne nous sont parvenus que les meilleurs, parce que nous avons oublié les sombres merdes qui firent un flop ou eurent un succès éphémère.</p> <p>Bien que très imparfait et filtrant probablement de très bonnes choses que nous avons malheureusement perdues, la barrière à l’entrée et la dilution temporelle nous permettaient de ne pas sombrer dans la cacophonie.</p> <h2 id="soustitre-3">L’échec de la démocratisation de la parole</h2> <p>Internet, en permettant le « many to many » sans aucune limite a rendu ces deux filtres inopérants. Tout le monde peut poster pour un coût nul. Pire : les mécanismes d’addiction des plateformes ont rendu plus facile de poster que de ne pas poster. Le support numérique rend également floue la frontière temporelle : un contenu est soit parfaitement conservé, soit disparait totalement. Cela entraine que de vieux contenus réapparaissent comme s’ils étaient neufs et personne ne s’en rend compte. Le filtre temporel a totalement disparu.</p> <p>De possible, le « many to many » s’est transformé en obligation. Pour exister, nous devons être vus, entendus. Nous devons avoir une audience. Prendre des selfies et les partager. Recevoir des likes qui nous sont vendus bien cher.</p> <p>Le « many to many » s’est donc révélé une catastrophe, peut-être pas dans son principe, mais dans sa mise en œuvre. Au lieu d’une seconde renaissance, nous entrons en décadence, dans un second moyen-âge. La frustration de pouvoir s’exprimer, mais de ne pas être entendu est grande.</p> <p>Olivier Ertzscheid va même plus loin : pour lui, ChatGPT permet justement d’avoir l’impression d’être écouté alors que personne ne nous écoute plus. Du « many to many », nous sommes passés au « many to nobody ».</p> <ul> <li><a href="https://affordance.framasoft.org/2025/02/google-wikipedia-et-chatgpt-les-trois-cavaliers-de-lapocalypse-qui-ne-vient-pas/">Google, Wikipédia et ChatGPT. Les trois cavaliers de l’apocalypse (qui ne vient pas). (affordance.framasoft.org)</a></li> </ul> <p>Utiliser ChatGPT pour obtenir des infos se transforme en utiliser ChatGPT pour obtenir confirmation à ses propres croyances, comme le relève le journaliste politique Nils Wilcke.</p> <ul> <li><a href="https://mamot.fr/@paul_denton@mastodon.social/114013674404801094">Pouet de Nils Wilcke sur Mastodon</a></li> </ul> <p>J’en ai marre de le répéter, mais ChatGPT et consorts sont des générateurs de conneries explicitement conçus pour vous dire ce que vous avez envie d’entendre. Que « ChatGPT a dit que » puisse être un argument politique sur un plateau télévisé sans que personne ne bronche est l’illustration d’un crétinisme total généralisé.</p> <h2 id="soustitre-4">Le Techno-Fascisme religieux</h2> <p>La « Many to nobody » est en soi un retour à l’ordre ancien. Plus personne n’écoute la populace. Seuls les grands seigneurs disposent de l’outil pour imposer leur vue. L’Église catholique a été remplacée par la presse et les médias, eux-mêmes remplacés par les réseaux sociaux et ChatGPT. ChatGPT qui n’est finalement qu’une instance automatisée d’un prêtre qui vous écoute en confession avant de vous dire ce qui est bien et ce qui est mal, basé sur les ordres qu’il reçoit d’en haut.</p> <p>Dans un très bon billet sur le réseau Gemini, small patata réalise que l’incohérence du fascisme n’est pas un bug, c’est son mode de fonctionnement, son essence. Une incohérence aléatoire et permanente qui permet aux esprits faibles de voir ce qu’ils ont envie de voir par paréidolie et qui brise les esprits les plus forts. En brisant toute logique et cohérence, le fascisme permet aux abrutis de s’affranchir de l’intelligence et de prendre le contrôle sur les esprits rationnels. Le légendaire pigeon qui chie sur l’échiquier et renverse les pièces avant de déclarer victoire.</p> <ul> <li><a href="gemini://gemini.patatas.ca/posts/poison-as-praxis.gmi">Poison as Praxis (gemini.patatas.ca)</a></li> </ul> <p>L’incohérence de ChatGPT n’est pas un bug qui sera résolu ! C’est au contraire ce qui lui permet d’avoir du succès avec les esprits faibles qui, en suivant des formations de « prompt engineering », ont l’impression de reprendre un peu de contrôle sur leur vie et d’acquérir un peu de pouvoir sur la réalité. C’est l’essence de toutes les arnaques : prétendre aux personnes en situation de faiblesse intellectuelle qu’ils vont miraculeusement retrouver du pouvoir.</p> <p>Small patata fait le lien avec les surréalistes qui tentèrent de lutter artistiquement contre le fascisme et voit dans le surréalisme une manière beaucoup plus efficace de lutter contre les générateurs de conneries. </p> <p>Il faut dire que face à un générateur mondial de conneries, fasciste, centralisé, ultra capitaliste et bénéficiant d’une adulation religieuse, je ne vois pas d’autre échappatoire que le surréalisme.</p> <p>Brandissons ce qui nous reste d’humanité ! Aux âmes citoyens !</p> <blockquote> Image reprise du gemlog de small patatas: Le triomphe du surréalisme, Max Ernst (1937)<br></blockquote> <div class="signature"><p>Je suis <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ploum">Ploum</a> et je viens de publier <a href="https://bikepunk.fr">Bikepunk</a>, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, <a href="https://pvh-editions.com/ploum">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) !</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. 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Le public passe très vite à autre chose. Partir en quête du buzz permanent est la recette absolue pour se perdre. C’est un métier à part entière : le marketing. Trop d’artistes et de créateurs se sont détournés vers le marketing, espérant obtenir une fraction du succès obtenu par des gens sans talents autre que le marketing.</p> <p>Mais vous oubliez que la perception du succès elle-même fait partie du plan marketing. Vous pensez qu’un tel a du succès ? Vous n’en savez rien. Vous ne savez même pas définir « succès ». C’est une intuition confuse. Faire croire qu’on a du succès fait partie du mensonge !</p> <p>Pour beaucoup de gens de mon entourage éloigné, je suis soudainement devenu un écrivain à succès parce que… je suis passé à la télé à une heure de grande écoute. Pour ces gens-là qui me connaissent, je suis passé de « type qui écrit de vagues livres dont personne n’a entendu parler » à « véritable écrivain connu qui passe à la télé ». Pour ceux, et ils sont nombreux, qui ont délégué à la télévision le pouvoir d’ordonner les individus au rang de « célébrité », j’ai du succès. Pour eux, je ne peux rien rêver de plus si ce n’est, peut-être, passer régulièrement à la télé et devenir une « vedette ». </p> <p>Dans ma vie quotidienne et aux yeux de toutes les (trop rares) personnes qui n’idolâtre pas inconsciemment la télévision, ces passages à la télé n’ont strictement rien changé. J’ai certainement vendu quelques centaines de livres en plus. Mais ai-je du « succès » pour autant ?</p> <p>Il y a quelques mois, j’étais invité comme expert pour le tournage d’une émission télé sur l’importance de protéger ses données personnelles en ligne. Lors d’une pause, j’ai demandé au présentateur ce qu’il faisait d’autre dans la vie. Il m’a regardé, étonné, et m’a répondu : « Je présente le JT ». Ça ne devait plus lui arriver très souvent de ne pas être reconnu. La moitié de la Belgique doit savoir qui il est. Nous avons rigolé et j’ai expliqué que je n’avais pas la télévision.</p> <p>Question : cette personne a-t-elle du « succès » ?</p> <h2 id="soustitre-2">Le succès est éphémère</h2> <p>À 12 ans, en vacances avec mes parents, je trouve un livre abandonné sur une table de la réception de l’hôtel. « Tantzor » de Paul-Loup Sulitzer. Je le dévore et je ne suis visiblement pas le seul. Paul-Loup Sulitzer est l’écrivain à la mode du moment. Selon Wikipédia, il a vendu près de 40 millions de livres dans 40 langues, dont son roman le plus connu : « Money ». Il vit alors une vie de milliardaire flamboyant.</p> <p>Trente ans plus tard, ruiné, il publie la suite de Money: « Money 2 ». Il s’en écoulera moins de 1.300 exemplaires. Adoré, adulé, moqué, parodié des centaines de fois, Sulitzer est tout simplement tombé dans l’oubli le plus total.</p> <p>Si le « succès » reste une notion floue et abstraite, une chose est certaine : il doit s’entretenir en permanence. Il n’est jamais véritablement acquis. Si on peut encore comprendre la notion de « faire fortune » comme « avoir plus d’argent que l’on ne peut en dépenser » (et donc ne plus avoir besoin d’en gagner), le succès lui ne se mesure pas. Il ne se gère pas de manière rationnelle. </p> <h2 id="soustitre-3">Quels indicateurs ?</h2> <p>Dans son billet, Gee s’étonne également d’avoir reçu beaucoup moins de propositions pour le concours des 5 ans du blog que pour celui du premier anniversaire. Malgré une audience supposée supérieure.</p> <p>De nouveau, le succès est une affaire de perception. Quel succès voulons-nous ? Des interactions intéressantes ? Des interactions nombreuses (ce qui est contradictoire avec la précédente) ? Des ventes ? Du chiffre d’affaires ? Des chiffres sur un compteur de visite comme les sites web du siècle précédent ?</p> <p>Il n’y a pas une définition de succès. En fait, je ne connais personne, moi le premier, qui soit satisfait de son succès. Nous sommes, par essence humaine, éternellement insatisfaits. Nous sommes jaloux de ce que nous croyons voir chez d’autres (« Il passe à la télé ! ») et déçus de nos propres réussites (« Je suis passé à la télé, mais en fait, ça n’a rien changé à ma vie »). </p> <h2 id="soustitre-4">Écrire dans le vide</h2> <p>C’est peut-être pour cela que j’aime tant le réseau Gemini. C’est le réseau anti-succès par essence. En publiant sur Gemini, on a réellement l’impression que personne ne va nous lire, ce qui est donne une réelle liberté. </p> <ul> <li><a href="/gemini-le-protocole-du-slow-web/index.html">Ma découverte du protocole Gemini</a></li> </ul> <p>Certains de mes posts de blog font le buzz sur le web. Je n’ai pas de statistiques, mais je vois qu’ils tournent sur Mastodon, qu’ils font la première page sur Hacker News. Mais si je n’allais pas sur Hacker News ni sur Mastodon, je ne le saurais pas. J’aurais tout autant l’impression d’ếcrire dans le vide que sur Gemini.</p> <p>À l’opposé, certains de mes billets ne semblent pas attirer les &quot;likes&quot;, &quot;partages&quot;, &quot;votes&quot; et autres &quot;commentaires&quot;. Pourtant, je reçois de nombreux emails à leur sujet. De gens qui veulent creuser le sujet, réfléchir avec moi. Ou me remercier pour cette réflexion. C’est particulièrement le cas avec le réseau Gemini qui semble attirer des personnes qui sont dans l’échange direct. Moi-même il m’arrive souvent de dégainer mon client mail pour répondre spontanément à un billet personnel lu sur Gemini. La réaction la plus fréquente à ces messages est : « Wow, je ne pensais pas que quelqu’un me lisait ! ».</p> <p>Je vous pose la question : quel type de billet a, selon vous, le plus de « succès » ?</p> <p>Est-ce que la notion de succès a réellement un sens ? Peut-on avoir assez de succès ?</p> <ul> <li><a href="https://ptilouk.net/#soutien">Pour donner un peu de succès financier à Gee</a></li> <li><a href="https://pvh-editions.com/product/sortileges-and-syndicats-une-fantastique-lutte-des-classes-papier">Sortilèges &amp; Sindycats, le roman de Gee qui mériterait plus de succès !</a></li> </ul> <div class="signature"><p>Je suis <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ploum">Ploum</a> et je viens de publier <a href="https://bikepunk.fr">Bikepunk</a>, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, <a href="https://pvh-editions.com/ploum">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) !</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser <a href="/atom_fr.xml">mon flux RSS francophone</a> ou <a href="/atom.xml">le flux RSS complet</a>.</p> </div> Ploumhttps://ploum.net À la recherche de la déconnexion parfaite https://ploum.net/2025-02-11-deconnexion_parfaite.html 2025-02-11T00:00:00Z 2025-02-11T00:00:00Z <h1>À la recherche de la déconnexion parfaite</h1> <h2 id="soustitre-1">Une rétrospective de ma quête de concentration</h2> <h2 id="soustitre-2">Une première déconnexion</h2> <p>À la fin de l’année 2018, épuisé par la promotion de la compagne Ulule de mon livre « Les aventures d’Aristide, le lapin cosmonaute » et prenant conscience de mon addiction aux réseaux sociaux, je décide de me « déconnecter ».</p> <p>Un bien grand mot pour m’interdire pendant 3 mois l’utilisation des réseaux sociaux et des sites d’actualité.</p> <ul> <li><a href="/en-partance-pour-ma-deconnexion/index.html">En partance pour ma déconnexion… (ploum.net)</a></li> <li><a href="/je-suis-deconnecte/index.html">Je suis déconnecté ! (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Le premier effet va se faire sentir très vite avec la désinstallation de l’app que j’utilise le plus à l’époque : Pocket.</p> <ul> <li><a href="/le-jour-ou-jai-desinstalle-mon-app-preferee/index.html">Le jour où j’ai désinstallé mon app préférée ! (ploum.net)</a></li> </ul> <p>L’expérience est avant tout une prise de conscience. Je découvre que, dès que je m’ennuie, j’ouvre machinalement un navigateur web sans même y réfléchir. C’est littéralement un réflexe.</p> <ul> <li><a href="/1-mois-de-deconnexion-premier-bilan/index.html">1 mois de déconnexion, premier bilan (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Je commence à percevoir la différence entre l’information et le « bruit ». L’hyperconnexion est, comme le tabac, une assuétude et une pollution. Une notion qui deviendra essentielle dans ma réflexion.</p> <ul> <li><a href="/le-silence-au-milieu-du-bruit/index.html">Le silence au milieu du bruit (ploum.net)</a></li> <li><a href="/lhumeur-dun-deconnecte/index.html">L’humeur d’un déconnecté (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Si je tente de subir moins de bruit, mon épouse me fait remarquer que je tente toujours d’en générer en postant sur des réseaux que je ne lis plus. Je suis incohérent.</p> <ul> <li><a href="/de-la-pollution-mentale-et-de-la-quete-dego/index.html">De la pollution mentale et de la quête d’égo (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Comme souvent dans ce genre d’expérience, on en sort sans aucune envie de se « reconnecter ». Mais je vais, bien entendu, très vite reprendre mes anciennes habitudes.</p> <ul> <li><a href="/3-mois-de-deconnexion-bilan-final/index.html">3 mois de déconnexion : bilan final (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Le problème de l’hyperconnexion est désormais clair dans ma tête. Je suis addict et cette addiction m’est néfaste à tous les points de vue. </p> <ul> <li><a href="/sous-les-reseaux-sociaux-un-monde-post-deconnexion/index.html">Sous les réseaux sociaux, un monde post-déconnexion (ploum.net)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-3">La période technosolutionniste</h2> <p>Face à la réalisation de l’ampleur du problème, mon premier réflexe est de trouver une solution technique, technologique. Beaucoup de personnes sont dans le même cas et, si cette étape est loin de suffire, elle est indispensable : faire du tri dans les outils numériques que nous utilisons. Je me rends compte que l’univers Apple, que je fréquente à l’époque, ayant reçu un MacBook de mon employeur, est à la fois contraire à mes valeurs et complètement incompatible avec une forme de sobriété numérique, car poussant à la consommation. Cette dichotomie entre ma philosophie et mon vécu entraine une tension que je tente d’évacuer par la surconnexion. Il est temps pour moi de revenir entièrement sous Linux.</p> <ul> <li><a href="/a-la-poursuite-du-minimalisme-numerique/index.html">À la poursuite du minimalisme numérique (ploum.net)</a></li> <li><a href="/linux-et-minimalisme-numerique/index.html">Linux et minimalisme numérique (ploum.net)</a></li> </ul> <p>J’achète également un téléphone qui est tellement merdique et bugué que je n’ai jamais envie de l’utiliser (non, ne l’achetez pas).</p> <ul> <li><a href="/se-passer-decran-avec-un-telephone-e-ink/index.html">Se passer d’écran avec un téléphone e-ink (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Concrètement, cette première déconnexion a également été l’opportunité de terminer mon feuilleton « Printeurs » ainsi que d’écrire quelques nouvelles. Celui-ci intéresse un éditeur et je publie mon premier roman en 2020.</p> <ul> <li><a href="/printeurs-le-premier-roman-imprime-en-3d/index.html">Printeurs, le premier roman imprimé en 3D (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Une autre action concrète que j’entreprends est de supprimer au maximum de comptes en ligne. Je ne le sais pas encore, mais je vais en découvrir et en supprimer près de 500 et cela va me prendre près de trois ans. Pour la plupart, j’ai oublié qu’ils existent, mais pour certains, l’étape est significative.</p> <ul> <li><a href="/je-ne-suis-plus-a-vendre-sur-linkedin/index.html">Je ne suis plus à vendre sur Linkedin (ploum.net)</a></li> </ul> <p>En parallèle, je découvre le protocole minimaliste Gemini. Suite à l’utilisation de ce protocole, une idée commence à me trotter dans la tête : travailler complètement déconnecté. J’ai en effet découvert que bloquer certains sites n’est pas suffisant : je trouve automatiquement des alternatives sur lesquelles procrastiner, alternatives qui sont même parfois moins intéressantes. J’ai donc envie d’explorer une déconnexion totale. Je commence à rédiger mon journal personnel à la machine à écrire.</p> <ul> <li><a href="/gemini-le-protocole-du-slow-web/index.html">Gemini, le protocole du slow web (ploum.net)</a></li> <li><a href="/2021-01-10.html">The Offline-First Quest (ploum.net)</a></li> <li><a href="/2021-01-12.html">Offline-First, Typewriters, Emails and Gemini (ploum.net)</a></li> <li><a href="/2021-09-24.html">Looking for offline-first tools (ploum.net)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-4">Seconde déconnexion : une tentative d’année déconnectée</h2> <p>Le 1er janvier 2022, trois ans après la fin de ma première déconnexion, je me lance dans une tentative d’année complètement déconnectée. L’idée est de n’utiliser mon ordinateur que déconnecté dans mon bureau, de le synchroniser une fois par jour. Le tout est rendu possible par un logiciel que j’ai développé dans les derniers mois de 2021 : Offpunk.</p> <ul> <li><a href="https://offpunk.net">Offpunk, an offline-first browser</a></li> </ul> <p>Évidemment, la connexion est nécessaire pour certaines actions que je me propose de chronométrer et d’enregistrer. J’écris, en direct, le compte-rendu de cette déconnexion et, contre toute attente, ces écrits semblent passionner les lecteurs.</p> <ul> <li><a href="/1er-janvier-2022-quelques-minutes-apres-minuit/index.html">1er janvier 2022, quelques minutes après minuit (ploum.net)</a></li> <li><a href="/3-janvier-2022-quest-ce-quune-deconnexion/index.html">3 janvier 2022, qu’est-ce qu’une déconnexion ? (ploum.net)</a></li> <li><a href="/chapitre-3-le-manque/index.html">Chapitre 3 : Le manque (ploum.net)</a></li> <li><a href="/chapitre-4-les-messageries-instantanees/index.html">Chapitre 4 : les messageries instantanées (ploum.net)</a></li> <li><a href="/chapitre-5-le-plaisir-coupable-de-lexploration/index.html">Chapitre 5 : le plaisir coupable de l’exploration (ploum.net)</a></li> <li><a href="/chapitre-6-la-machine-a-cliquer-se-rebelle-contre-le-superorganisme/index.html">Chapitre 6 : la machine à cliquer se rebelle contre le superorganisme (ploum.net)</a></li> <li><a href="/chapitre-7-lhysterie-mediatique/index.html">Chapitre 7 : l’hystérie médiatique (ploum.net)</a></li> <li><a href="/chapitre-8-lartiste-deconnecte/index.html">Chapitre 8 : l’artiste déconnecté (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Mieux préparée et beaucoup plus ambitieuse (trop ?), cette déconnexion est finalement un échec après moins de 6 mois.</p> <ul> <li><a href="/chapitre-9-lechec/index.html">Chapitre 9 : l’échec (ploum.net)</a></li> </ul> <p>La leçon est dure : il n’est quasiment pas possible de se déconnecter de manière structurelle dans la société actuelle. Nous sommes tout le temps sollicités pour accomplir des actions en ligne, actions qui nécessitent du temps, mais pas toujours de la concentration. Tout est désormais optimisé pour que nous soyons en ligne.</p> <p>Ma déconnexion est un échec. Le livre de cette déconnexion est inachevé. Un autre manuscrit sur lequel je travaille durant cette déconnexion est dans un état inutilisable. Cependant, j’ai profité de ce temps pour écrire quelques nouvelles et finaliser mon recueil « Stagiaire au spatioport Omega 3000 et autres joyeusetés que nous réserve le futur ».</p> <ul> <li><a href="/et-autres-joyeusetes-que-nous-reserve-le-futur/index.html">…et autres joyeusetés que nous réserve le futur (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Conséquence directe de cette déconnexion, mon compte Whatsapp disparait. Mon compte Twitter suit bientôt également.</p> <ul> <li><a href="/le-suicide-de-mon-compte-whatsapp/index.html">Le suicide de mon compte WhatsApp (ploum.net)</a></li> <li><a href="/chapitre-10-la-suppression-des-comptes-en-ligne/index.html">Chapitre 10 : la suppression des comptes en ligne (ploum.net)</a></li> <li><a href="/2023-10-29-le-droit-de-supprimer-twitter.html">Pourquoi j’ai supprimé mon compte Twitter (et pourquoi vous pouvez probablement en faire autant sans hésiter) (ploum.net)</a></li> </ul> <p>J’ai également pris conscience que mon blog Wordpress n’est plus du tout en phase avec ma philosophie. En parallèle de mon travail sur Offpunk, je réécris complètement mon blog pour en faire un outil « offline ».</p> <ul> <li><a href="/2022-12-04-fin-du-blog-et-derniere-version.html">La fin d’un blog et la dernière version de ploum.net (ploum.net)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-5">Le second retour à la normalité</h2> <p>Début 2023, je m’isole pour commencer l’écriture de Bikepunk qui paraitra en 2024. J’alterne entre les périodes de déconnexion totale et des périodes d’hyperconnexion.</p> <ul> <li><a href="https://bikepunk.fr">Bikepunk, les chroniques du flash</a></li> </ul> <p>Le seul réseau social où j’ai gardé un compte, Mastodon, commence à attirer l’attention. J’y suis très présent et, philosophiquement, je ne peux que soutenir et encourager toutes les personnes cherchant à quitter X et Meta. Je retombe dans l’hyperconnexion. Une hyperconnexion éthique, mais une hyperconnexion tout de même.</p> <p>Pendant deux ans, j’utilise l’extension Firefox LeechBlock qui permet de n’autoriser qu’un temps limité par jour sur certains sites web. Cela fonctionne pas trop mal pendant un temps jusqu’au moment où j’acquiers le réflexe de désactiver le plugin sans même y penser.</p> <p>Comme tous les trois ans, il est temps pour moi de lancer un nouveau cycle et de m’interroger sur mes usages. </p> <p>Un de mes apprentissages principaux est que toute modification de mon comportement mental doit s’accompagner chez moi par une modification physique. Mon esprit suit les réflexes de mon corps. Je tape encore parfois machinalement dans la barre d’adresse Firefox les premières lettres de sites procrastinatoires sur lesquels je n’ai plus été depuis dix ans !</p> <p>Le second apprentissage est que la radicalité implique une rechute plus forte. La connexion est nécessaire tous les jours, de manière imprévisible. Je ne souhaite pas m’isoler, mais concevoir une manière de fonctionner durable. Créer de nouveaux réflexes.</p> <h2 id="soustitre-6">Une troisième déconnexion</h2> <p>Pour ma « déconnexion 2025 », j’ai donc pris une grande décision : j’ai acheté un fauteuil pour remplacer ma chaise de bureau. Pendant toutes mes études et mes premières années professionnelles, je n’avais que des chaises de récupération. Au printemps 2008, disposant d’un salaire stable et d’un appartement, j’achète une chaise de bureau neuve : le premier prix de chez Ikea. Cette chaise, rafistolée avec des coussins défoncés dont mes beaux-parents ne voulaient plus, était encore celle que j’utilisais jusqu’il y a quelques jours. Ce nouveau fauteuil est donc un très grand changement pour moi.</p> <p>Et je me suis promis de ne l’utiliser qu’en étant déconnecté.</p> <p>Pour ce faire, je désactive le wifi dans le Bios de mon ordinateur. J’ai également organisé un « bureau debout » dans un coin de la pièce, bureau debout où arrive un câble RJ-45. Si je veux me connecter, je dois donc physiquement me lever et brancher un câble. Tout ce que je dois faire en ligne s’effectue désormais en étant debout. Lorsque je suis assis (ou vautré, pour être plus exact), je suis déconnecté.</p> <p>J’ai également pris d’autres petites mesures. En premier lieu, mes todos ne sont plus stockés sur mon ordinateur, mais sur des fiches sur un tableau de liège. Un comble pour qui se rappelle que j’ai passé plusieurs années à développer le logiciel « Getting Things GNOME ».</p> <p>Je revois aussi la gestion de mon email. J’adore recevoir des emails et de mes lecteurs et j’ai beaucoup de mal à ne pas y répondre. Puis à répondre à la réponse de ma réponse. Avec le succès de Bikepunk, mon courrier s’est étoffé et je me retrouve parfois à la fin de la journée en réalisant que j’ai… « répondu à mes emails ». Des discussions certes enrichissantes, mais chronophages. Dans bien des cas, je répète dans plusieurs mails ce qui pourrait être un billet de blog. Considérez que j’ai lu votre mail, mais que ma réponse alimentera mes prochains billets de blogs. Certains billets futurs traiteront de thèmes que je n’aborde pas d’habitude, mais pour lesquels je reçois énormément de questions.</p> <p>Sur Mastodon, que je ne consulte plus que debout, j’ai pris la décision de mettre tous les comptes que je suis dans une liste, liste que j’ai configurée pour qu’elle ne s’affiche pas dans ma timeline. Quand je consulte Mastodon, je ne vois donc que mes posts à moi et je dois accomplir une action en plus si je veux voir ce qui se dit (ce que je ne fais plus tous les jours). Comme avant, les notifications sont régulièrement « vidées ». </p> <p>Si vous voulez suivre ce blog, privilégiez le flux RSS ou bien mes deux newsletters:</p> <ul> <li><a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">Newsletter avec mes billets francophones</a></li> <li><a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">Newsletter avec mes billets en anglais</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-7">À la recherche de l’ennui. </h2> <p>Déconnexion est un bien grand mot pour simplement dire que je ne serai plus connecté 100% du temps. Mais telle est l’époque où nous vivons. Cal Newport parle de l’incroyable productivité de l’écrivain Brandon Sanderson qui a créé une entreprise de 70 personnes uniquement dédiée à une seule activité : le laisser écrire le plus possible !</p> <ul> <li><a href="https://calnewport.com/let-brandon-cook/">Let Brandon Cook (calnewport.com)</a></li> </ul> <p>Si l’exemple est extrême, Cal s’étonne de ce qu’on ne voit pas plus de structures qui cherchent à favoriser la concentration et la créativité. Dans un âge où l’hyperdistraction permanente est la norme, il est nécessaire de se battre et de développer les outils pour se concentrer. Et s’ennuyer. Surtout s’ennuyer. Car pour réfléchir et créer, l’ennui est primordial. </p> <p>D’ailleurs, si je ne m’étais pas ennuyé, je n’aurais jamais écrit ce billet ! Nous dresserons le bilan dans 3 ans pour ma quatrième déconnexion…</p> <div class="signature"><p>Je suis <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ploum">Ploum</a> et je viens de publier <a href="https://bikepunk.fr">Bikepunk</a>, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, <a href="https://pvh-editions.com/ploum">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) !</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser <a href="/atom_fr.xml">mon flux RSS francophone</a> ou <a href="/atom.xml">le flux RSS complet</a>.</p> </div> Ploumhttps://ploum.net De la décadence technologique et des luddites technophiles https://ploum.net/2025-02-06-decadence-technologique.html 2025-02-06T00:00:00Z 2025-02-06T00:00:00Z <h1>De la décadence technologique et des luddites technophiles</h1> <h2 id="soustitre-1">La valeur de texte brut</h2> <p>Thierry s’essaie à publier son blog sur le réseau Gemini, mais a du mal avec le format minimaliste. Qui est justement pour moi la meilleure partie du protocole Gemini.</p> <ul> <li><a href="https://tcrouzet.com/2025/01/29/low-tech/">La low-tech peut-elle coexister avec la high-tech ? (tcrouzet.com)</a></li> </ul> <p>Le format Gemini impose, comme dans un livre, du texte pur. Il est possible d’ajouter un titre, des sous-titres, des liens, des citations, mais avec une particularité importante : cela doit concerner toute la ligne, pas une simple partie de texte. Les liens doivent donc être sur leur propre ligne plutôt que de se perdre et foisonner dans le texte. Comme ils interrompent la lecture entre deux paragraphes, ils doivent être explicités et justifiés plutôt que d’être cachés au petit bonheur du clic.</p> <p>Il est également impossible de mettre de l’italique ou du gras dans son texte. Ce qui est une excellente chose. Comme le rappelle Neal Stephenson dans son « In the beginning was the command line », les mélanges gras/italiques aléatoires n’ont rien à faire dans un texte. Prenez un livre et tentez de trouver du texte en gras dans le corps du texte. Il n’y en a pas et pour une bonne raison : cela ne veut rien dire, cela perturbe la lecture. Mais lorsque Microsoft Word est apparu, il a rendu plus facile de mettre en gras que de faire des titres corrects. Tout comme le clavier azerty a soudainement fait croire qu’il ne fallait pas mettre d’accent sur les majuscules, l’outil technologique a appauvri notre rapport au texte. </p> <p>Car le besoin d’attirer l’attention au milieu d’un texte est un aveu d’insécurité de l’auteur. Le texte doit exister par lui-même. C’est au lecteur de choisir ce qu’il veut mettre en avant en surlignant, pas à l’auteur. Orner un texte d’artifices inutiles pour tenter de combler les vides porte un nom : la décadence.</p> <p>Le gras, le word art, le Comic San MS, les powerpoints envoyés par mail, tous sont des textes décadents qui tentent de camoufler la vacuité ou l’inanité du contenu.</p> <h2 id="soustitre-2">La décadence inexorable de la tech</h2> <p>Le texte n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.</p> <p>Thierry se pose également beaucoup de questions sur les notions low-tech et high-tech, notamment dans le médical. Mais le terme « low-tech » est selon moi trompeur. Je suis un luddite technophile. Contrairement à ce que la légende prétend, les luddites n’étaient pas du tout opposés à la technologie. Ils étaient opposés à la propriété technologique par la classe bourgeoise, ce qui transformait les artisans spécialisés en interchangeables esclaves des machines. Les luddites n’ont pas tenté de détruire des métiers à tisser technologiques, mais des machines que leurs patrons utilisaient pour les exploiter.</p> <ul> <li><a href="/2024-08-26-luddites-technophiles.html">Le retour de la vengeance des luddites technophiles (ploum.net)</a></li> </ul> <p>De la même manière, je ne suis pas opposé aux réseaux sociaux centralisés ni aux chatbots parce que c’est « high tech », mais parce que ce sont des technologies qui sont activement utilisées pour nous appauvrir, tant intellectuellement que financièrement. C’est même leur seul objectif avoué. </p> <p>Que l’IA soit utilisée pour détecter plus précocement des cancers, je trouve l’idée formidable. Mais je sais également qu’elle est impossible dans le contexte actuel. Pas d’un point de vue technique. Mais parce que, bien utilisée, elle coûtera plus cher que pas d’IA du tout. En effet, l’IA peut aider en détectant des cancers que le médecin a ratés. Il faut donc un double diagnostic, tant du médecin que de l’IA et se poser des questions lorsque les deux sont en désaccord. Il faut payer le coût de l’IA en plus du surplus du travail du médecin, car il devra faire plus d’heures vu qu’il devra revoir les diagnostics « divergents » pour trouver son erreur ou celle de l’IA. L’IA est un outil qui peut être utile si on accepte qu’il coûte beaucoup plus cher.</p> <p>Ça, c’est la théorie.</p> <p>En pratique, une telle technologie est vendue sous prétexte de « faire des économies ». Elle va forcément induire un relâchement attentionnel des médecins et, pour justifier les coûts, une diminution du temps consacré à chaque diagnostic humain. Perdant de l’expérience et de l’habitude, le diagnostic des médecins va devenir de moins en moins sûr et, par effet ricochet, les nouveaux médecins vont être de moins en moins bien formés. Les cancers indétectés par l’IA ne le seront plus par les humains. L’IA étant entrainée sur les diagnostics réalisés par des humains, elle va également devenir de moins en moins compétente et s’autovalider. Au final, nul besoin d’être grand clerc pour voir que si la technologie est intéressante, son utilisation dans notre contexte socio-économique ne peut que se révéler catastrophique et n’est intéressante que pour les vendeurs d’IA.</p> <h2 id="soustitre-3">Le mensonge high tech</h2> <p>Les partisans du « low tech » ont l’intuition que la « high tech » cherche à les exploiter. Ils ont raison sur le fond, pas sur la cause. Ce n’est pas la technologie le nœud du problème, mais sa décadence.</p> <p>La course à la technologie est une bulle bâtie sur un mensonge. L’idée n’est pas de construire quelque chose de durable, mais de faire croire qu’on va le construire pour attirer des investisseurs. Les entreprises du NASDAQ sont devenues une énorme pyramide de Ponzi. Elles tentent de se soutenir l’une l’autre à coup de millions, mais perdent toutes énormément d’argent, ce qu’elles arrivent à cacher grâce au cours de la bourse.</p> <ul> <li><a href="https://www.wheresyoured.at/godot-isnt-making-it/">Godot Isn&#x27;t Making it (www.wheresyoured.at)</a></li> </ul> <p>D’ailleurs, des recherches sérieuses confirment mon intuition : au plus on comprend ce qu’il y a derrière « l’intelligence artificielle », au moins on en veut. L’IA est littéralement un piège à ignorants. Et les producteurs l’ont très bien compris : ils ne veulent pas que l’on comprenne ce qu’ils font.</p> <ul> <li><a href="https://theconversation.com/knowing-less-about-ai-makes-people-more-open-to-having-it-in-their-lives-new-research-247372">Knowing less about AI makes people more open to having it in their lives - new research (theconversation.com)</a></li> </ul> <p>Ed Zitron continue sur sa lancée avec l’inattendue arrivée de DeepSeek, le ChatGPT chinois qui est simplement 30 fois moins cher. À la question « Pourquoi OpenAI et les autres n’ont pas réussi à faire moins cher », il propose la réponse rétrospectivement évidente : « Parce que ces entreprises n’avaient aucun intérêt à faire moins cher. Au plus elles perdent de l’argent, au plus elles justifient que ce qu’elles font est cher, au plus elles attirent les investisseurs et effraient de potentiels compétiteurs ». En bref : parce qu’elles sont complètement décadentes !</p> <ul> <li><a href="https://www.wheresyoured.at/deep-impact/">Deep Impact (www.wheresyoured.at)</a></li> </ul> <p>Cory Doctorow parle souvent de merdification, je propose plutôt de parler de « décadence technologique ». Nous produisons la technologie la plus chère, la plus complexe et la moins écologique possible par simple réflexe. Comme pour les orgies romaines, la complexité et le coût ne sont plus des obstacles, mais les objectifs premiers que nous cherchons à atteindre.</p> <p>Ceci explique aussi pourquoi la technologie se retourne complètement contre ses utilisateurs. Dernièrement, une dame d’un certain âge voulait me montrer sur son téléphone un post vu sur son compte Facebook. La moitié de son gigantesque écran de téléphone était littéralement une publicité fixe pour une voiture. Dans la seconde moitié de l’écran, la dame scrollait et alternait entre d’autres pubs pour des voitures et ce qui était probablement du contenu. Son téléphone était doté d’un écran gigantesque, mais seule une fraction de celui-ci était au service de l’utilisateur. Et encore, pas complètement.</p> <p>La bagnole est en soi le parfait exemple de décadence : d’outil, elle est devenue un symbole qui doit être le plus gros, le plus lourd, le plus voyant possible. Ce qui entraine une complexité infernale tant en termes d’espace public que d’espace privé. Les maisons des dernières décennies sont, pour la plupart, bâties comme des pièces autour d’un garage. Les villes comme des bâtiments autour de nœuds routiers. La voiture est devenue le véritable citoyen des villes, les humains n’en sont que les servants. Le Web suit la même trajectoire avec les robots remplaçant les voitures.</p> <p>La frénésie envers l’intelligence artificielle est l’archétype de cette décadence. Car si les nouveaux outils ont clairement une utilité et peuvent clairement aider dans certains contextes, nous sommes dans une situation inverse : trouver un problème auquel appliquer l’outil .</p> <h2 id="soustitre-4">Retour au concept d’utilité</h2> <p>C’est également la raison pour laquelle Gemini me passionne tellement. C’est l’outil le plus direct pour transmettre le texte de mon cerveau à celui d’un lecteur. En ouvrant la porte au gras, à l’italique puis aux images et au JavaScript, le Web est devenu une jungle décadente. Les auteurs y publient puis, sans se soucier d’être lus, consultent avidement les statistiques de clics et de likes. Le texte est de plus en plus optimisé pour ces statistiques. Avant d’être automatisés par des robots, robots qui pour s’entrainer vont consulter les textes en ligne et générer automatiquement des clics.</p> <p>La boucle de la décadence technologique est bouclée : les contenus sont lus et générés par les mêmes machines. Les bourgeois capitalistes propriétaires ont réussi à automatiser totalement tant leurs ouvriers (les créateurs de contenus) que leurs clients (ceux qui font du clic).</p> <p>Je ne veux pas servir les propriétaires de plateforme. Je ne veux pas consommer ce fade et inhumain contenu automatisé. Je tente de comprendre les conséquences de mes usages technologiques pour en tirer le maximum d’utilité avec le moins de conséquences négatives possible.</p> <p>Face à la décadence technologique, je suis devenu un luddite technophile. </p> <ul> <li><a href="https://betterimagesofai.org/images?artist=AnneFehresandLukeConroy&title=HumansDoTheHeavyDataLifting">Photo by Anne Fehres and Luke Conroy &amp; AI4Media CC-BY 4.0</a></li> </ul> <div class="signature"><p>Je suis <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ploum">Ploum</a> et je viens de publier <a href="https://bikepunk.fr">Bikepunk</a>, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, <a href="https://pvh-editions.com/ploum">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) !</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser <a href="/atom_fr.xml">mon flux RSS francophone</a> ou <a href="/atom.xml">le flux RSS complet</a>.</p> </div> Ploumhttps://ploum.net Et si on arrêtait d’être de bons petits consultants obéissants ? https://ploum.net/2025-01-29-bon_consultant.html 2025-01-29T00:00:00Z 2025-01-29T00:00:00Z <h1>Et si on arrêtait d’être de bons petits consultants obéissants ?</h1> <h2 id="soustitre-1">Le cauchemar des examens</h2> <p>Régulièrement, je me réveille la nuit avec une boule dans le ventre et une bouffée de panique à l’idée que je n’ai pas étudié mon examen à l’université. Cela fait 20 ans que je n’ai plus passé d’examen et pourtant j’en suis encore traumatisé.</p> <p>Du coup, j’essaye de proposer à mes étudiants un examen le moins stressant possible. Si un étudiant n’est vraiment nulle part, je profite de l’adrénaline inhérente à un examen pour tenter de lui inculquer les concepts. Parfois, je demande à un étudiant d’enseigner la matière à l’autre. J’impose toute de même certaines règles vestimentaires : la cravate est interdite, mais tout le reste est encouragé. J’ai déjà eu des étudiants en peignoir, un étudiant en costume traditionnel de son pays, et toujours insurpassé, une étudiante en costume complet de Minnie (avec les oreilles, le maquillage, les chaussures, la totale !). Cette année j’ai eu droit… à une banane !</p> <figure> <a href="/files/banane_exam.jpg"><img alt="Un étudiant passe son examen déguisé en banane." src="/files/banane_exam.jpg" width="450" class="center"></a> <figcaption>Un étudiant passe son examen déguisé en banane.</figcaption> </figure> <h2 id="soustitre-2">Le monopole de l’East India Company</h2> <p>J’encourage également les étudiants à venir avec leur propre sujet d’examen.<br> Un de mes étudiants m’a proposé cet article qui compare Google avec l’East India Company qui, comme tous les empires, a fini par s’écrouler sous son propre poids. J’aime l’analogie et la morale : on ne gagne le pouvoir qu’en se faisant des ennemis. C’est lorsqu’on croit avoir le plus de pouvoirs qu’on a le plus d’ennemis qui n’ont rien à perdre et qui veulent se venger. Trump, Facebook, Google. Ils sont au sommet. Mais chaque jour les rangs des rebelles sont étoffés par ceux qui ont cru que leur allégeance et leur soumission leur offriraient une fraction de pouvoir ou de richesse avant d’être déçus. Car le pouvoir absolu ne se partage pas. Il ne se partage, par définition, jamais.</p> <ul> <li><a href="https://substack.com/home/post/p-153427851">Google Is Now the East India Company of the Internet (substack.com)</a></li> </ul> <p>Bon, l’article est fort naïf sur certains aspects. Il dit par exemple qu’AT&amp;T n’a pas exploité sa position dominante parce qu’il suivait une certaine éthique. C’est faux. AT&amp;T n’a pas exploité sa position dominante tout simplement parce que l’entreprise était sous la menace d’un procès pour abus de position dominante. La crainte du procès est ce qui a permis le succès d’UNIX (développé par AT&amp;T) et d’Internet. Lorsque IBM a commencé à avoir une position dominante dans le marché informatique naissant, la crainte d’un procès est ce qui a permis la standardisation du PC que l’on connait aujourd’hui et ce qui a permis l’apparition de l’industrie logicielle où s’est engouffrée Microsoft.</p> <p>Mais je vous ai déjà raconté cette histoire :</p> <ul> <li><a href="/lhistoire-du-logiciel-entre-collaboration-et-confiscation-des-libertes/index.html">L’histoire du logiciel : entre collaboration et confiscation des libertés (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Malheureusement, tout change dans les années 1980 avec la présidence de Reagan (le Trump de l’époque). Ses conseillers instaurent l’idée que les monopoles ne sont finalement pas si nocifs, ils sont même plutôt bons pour l’économie (surtout les économies des politiciens qui ont des actions dans ces monopoles). Du coup, on va beaucoup moins les poursuivre, voire les encourager. De là les succès de Microsoft, Google et Facebook qui, malgré les procès, n’ont pas été scindés ni n’ont jamais dû adapter leurs pratiques.</p> <ul> <li><a href="/la-terrifiante-hegemonie-des-monopoles/index.html">La terrifiante hégémonie des monopoles (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Si vous lisez ceci, ça vous parait sans doute absurde : comment peut-on justifier que les monopoles ne sont pas nocifs juste pour enrichir les politiciens ? Quelle astuce utiliser ?</p> <p>Le secret ? Il n’y a pas d’astuce. Pas besoin de se justifier. Il suffit de le faire. Et pour tous les aspects pratiques de n’importe quelle loi, aussi absurde et injuste soit-elle, il suffit de se passer des fonctionnaires scrupuleux et de tout faire faire par des cabinets de consultance. Enfin, surtout un : McKinsey.</p> <h2 id="soustitre-3">McKinsey et la naïveté de la bonté</h2> <p>Étudiant, j’ai participé à une soirée d’embauche de McKinsey. Bon, je n’avais pas trop d’espoir, car ils annonçaient ne prendre que celleux avec les meilleurs points (ce dont j’étais loin), mais je me suis dit qu’on ne savait jamais. Je n’avais aucune idée de ce qu’était McKinsey ni de ce qu’ils faisaient, je savais juste que c’était une sorte de Graal vu qu’ils ne prenaient que les meilleurs.</p> <p>Assis dans un auditoire, j’ai assisté à la présentation de « cas » réels. Une employée de McKinsey, qui a annoncé avoir fait les mêmes études que moi quelques années auparavant (mais avec de bien meilleurs résultats), a présenté son travail. Il s’agissait de réaliser la fusion de deux entités dont les noms avaient été cachés. Sur l’écran s’affichait des colonnes de « ressources » pour chaque entité puis comment la fusion permettait d’économiser les ressources.</p> <p>J’étais d’abord un peu perdu dans le jargon. J’ai posé quelques questions et finis par comprendre que les « ressources » étaient des employé·e·s. Que ce que je voyais était avant tout un plan de licenciement brutal. J’ai interrompu la présentation pour demander comment étaient pris en compte les aspects éthiques. J’ai eu droit à une réponse standard comme quoi « l’éthique était primordiale chez McKinsey, qu’ils suivaient des règles strictes ». J’ai insisté, j’ai creusé. Parmi la cinquantaine d’étudiants participants, j’étais le seul à prendre la parole, j’étais le seul à m’étonner (j’en ai discuté après avec d’autres, personne ne semblait avoir vu le problème). J’ai demandé à la présentatrice de me donner un exemple d’une des fameuses règles de l’éthique McKinsey. Et j’ai obtenu cette réponse qui est restée gravée dans ma mémoire : « Un consultant McKinsey doit toujours favoriser l’intérêt de son client, quoi qu’il arrive ».</p> <p>Après la présentation, je suis allé trouver la consultante en question. Autour d’un petit four, j’ai insisté une fois de plus sur l’éthique. Elle m’a ressorti le même blabla. Je lui ai alors dit que je ne parlais pas de ça. Que toutes ses colonnes de chiffres étaient des personnes qui allaient perdre leur emploi, que la fusion allait avoir un impact économique important sur des milliers de familles et que je me demandais comment cet aspect était envisagé.</p> <p>Elle a ouvert la bouche. Son visage s’est décomposé. Et la brillante ingénieure qui avait réussi les études les plus difficiles avec les meilleurs points m’a répondu :</p> <p>« Je n’avais jamais pensé à ça… »</p> <p>Même les personnes soi-disant les plus intelligentes ne pensent pas. Elles obéissent. « Ne recruter que les meilleurs » n’était pas une technique de recrutement, mais bien une manière de créer un élitisme de façade qui empêchait les heureux élus de se poser des questions.</p> <h2 id="soustitre-4">« Je n’avais jamais pensé à ça… »</h2> <p>À mon examen, j’ai eu une étudiante particulièrement brillante. Je lui ai dit que, vu sa compréhension hyper fine, j’attendais d’elle qu’elle questionne plus les choses, qu’elle réagisse surtout face à d’autres, moins brillants, mais plus sûrs d’eux. Elle est clairement plus intelligente que moi alors pourquoi n’intervient-elle pas pour me signaler lorsque je suis incohérent ? Le monde a besoin de gens intelligents qui posent des questions. Elle s’est défendue : « Mais on m’a toujours appris à faire le contraire ! ».</p> <p>Dans un très bon article, Garrison Lovely revient sur la stratégie de McKinsey.</p> <blockquote> Le fait que les personnes qui avaient participé à une manifestation contre Trump soient ensuite des pièces centrales [en temps que consultants McKinsey] de sa politique de déportation est, en un sens, tout ce qu’il faut savoir.<br></blockquote> <blockquote> McKinsey exécute, ne fait pas de politique<br></blockquote> <p>L’auteur interroge sur ce qui aurait empêché McKinsey d’optimiser la fourniture de fils barbelés des camps de concentration. La réponse tombe : &quot;McKinsey a des valeurs&quot;. Des valeurs qui sont enseignées et répétées lors des &quot;Values Days&quot;. 20 ans après ma propre expérience d’une soirée McKinsey, rien n’a changé.</p> <ul> <li><a href="https://www.thenation.com/article/society/mckinsey-whistleblower-confessions/">Confessions of a McKinsey Whistleblower (www.thenation.com)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-5">La naïveté du bien</h2> <p>Le problème des gens bons et subtils, c’est qu’ils n’arrivent pas à imaginer que l’arnaque est fondamentalement malhonnête et pas subtile.</p> <p>Ils cherchent à comprendre, à expliquer, à justifier.</p> <p>Il n’y a rien à comprendre : le malhonnête cherche son profit de manière directe et non subtile. C’est tellement évident que même les plus subtils laissent passer en se disant que ça cache « autre chose ».</p> <p>Je vois passer des messages qui disent que Trump ou Musk font des choses illégales. Qu’ils ne respectent pas les règles. </p> <p>Ben justement. C’est le principe.</p> <p>Que Trump ne peut décemment pas avoir triché aux élections parce que « quelqu’un » se serait opposé. Quelqu’un ? Mais qui ? Ceux qui obéissent à leurs chefs sans poser de questions parce que c’est leur boulot ? Ceux qui ont peur de perdre leur place et qui préfèrent ménager celui qui a gagné les élections ? Ceux qui, au contraire, se disent qu’ils peuvent faire une bonne affaire en brossant le vainqueur dans le sens du poil ?</p> <p>Si Trump avait été condamné pour son implication dans l’insurrection du 6 janvier, tout le monde lui serait tombé dessus et se serait disputé sa dépouille. Mais même les juges impliqués savaient qu’il pouvait redevenir président. Qu’il utiliserait son pouvoir pour punir toute personne impliquée dans sa condamnation. Il était moins risqué de soutenir Trump que le contraire. La majorité des gens, même les plus puissants, surtout les plus puissants, sont des moutons terrorisés par le bâton et à l’affut de la moindre petite carotte.</p> <p>Les seuls qui peuvent s’indigner sont celleux qui ont un sens moral fort, qui n’ont rien à perdre, qui n’ont rien à gagner, qui ont la force et l’énergie de s’indigner, le temps pour le faire et les réseaux pour se faire entendre. J’insiste sur le « et » logique. Il faut que toutes ces conditions soient remplies. Et force est de constater que ça ne fait pas beaucoup de monde.</p> <p>Surtout quand on réalise que ce « pas beaucoup de monde » est majoritairement peuplé d’idéalistes qui ne veulent pas croire que la personne en face puisse être à ce point dénuée de sens moral et de scrupule. Alors, comme des crétins, ils tentent de se faire entendre… sur X ou sur Facebook, des plateformes qui appartiennent à ceux qu’ils cherchent à combattre.</p> <p>Celleux qui se plaignent sur ces plateformes ont l’impression d’être actifs, mais ils sont algorithmiquement enfermés dans leur petite bulle où iels n’auront aucun impact sur le reste du monde. </p> <p>« Bon » et « bête » ça commence par la même lettre. On a ce qu’on mérite. Le simple fait d’avoir gardé un compte sur X après le rachat par Elon Musk était un vote virtuel pour Trump. Tout le monde le savait. Vous le saviez. Vous ne pouviez pas ne pas le savoir. C’est juste que, comme un bon consultant McKinsey, vous vous disiez que « ça n’était pas si grave que ça ». Qu’ « il y a des règles, non ? ». Si vous me lisez, vous êtes, comme beaucoup, une bonne personne et donc incapable d’imaginer qu’Elon Musk puisse avoir simplement et très ouvertement manipulé son réseau social pour favoriser Trump. </p> <h2 id="soustitre-6">Mieux vaut tard que jamais</h2> <p>Mais il n’est jamais trop tard pour réagir. Le 1er février est annoncé comme le « Global Switch Day ». Vous êtes invités à migrer de X vers Mastodon.</p> <figure> <a href="/files/x_mastodon.png"><img alt="Le 1er février, migrez de X vers Mastodon" src="/files/x_mastodon.png" width="450" class="center"></a> <figcaption>Le 1er février, migrez de X vers Mastodon</figcaption> </figure> <p>Mastodon qui devient une fondation. Ça fait plaisir de voir qu’Eugen, le créateur de Mastodon qui tout un temps s’enorgueillait du titre de « CEO de Mastodon » se rend compte que cette pression est énorme, qu’il ne joue pas dans la même cour et que Mastodon est un bien commun. En se faisant appeler « CEO », Meta le flattait pour obtenir sa coopération. Eugen semble avoir compris qu’il se perdait. Excellente interview de Renaud, développeur Mastodon.</p> <ul> <li><a href="https://basta.media/mastodon-bien-commun-surtout-vu-environnement-mediatique-politique-quitter-X">Quitter X, mais pour Mastodon ou BlueSky ? (basta.media)</a></li> </ul> <p>Thierry Crouzet fait la comparaison avec les résistants.</p> <ul> <li><a href="https://tcrouzet.com/2025/01/24/technofascisme/">Le technofascisme est-il une fatalité ? (tcrouzet.com)</a></li> </ul> <p>En parallèle, Dansup développe Pixelfed, qui ressemble à Instagram. Ce qui est génial c’est que vous pouvez suivre des gens sur Mastodon depuis Pixelfed et vice-versa (enfin, en théorie, faudra qu’on en reparle, car, depuis Pixelfed, vous ne verrez pour le moment que les messages Mastodon contenant une image, j’espère que ça évoluera). </p> <p>Pixelfed a attiré tellement de gens dégoutés par Meta (propriétaire d’Instagram) que Dansup s’est vu assailli par les investisseurs désireux de mettre des sous dans son &quot;entreprise&quot;.</p> <figure> <a href="/files/instagram_pixelfed.png"><img alt="Le 1er février, migrez de Instagram vers Pixelfed" src="/files/instagram_pixelfed.png" width="450" class="center"></a> <figcaption>Le 1er février, migrez de Instagram vers Pixelfed</figcaption> </figure> <p>Dommage pour eux, comme Mastodon, Pixelfed est un bien public. Il est et sera financé par les dons. Dansup lance d’ailleurs une campagne Kickstarter :</p> <ul> <li><a href="https://www.kickstarter.com/projects/pixelfed/pixelfed-foundation-2024-real-ethical-social-networks">Pixelfed’s Kickstarter</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-7">Signal et la messagerie</h2> <p>Lors de mon examen, la plupart des étudiants ont eu des questions sur le Fediverse ou sur Signal. Ce qui m’a permis de sonder leurs utilisations des réseaux sociaux et messageries. Fait marrant : ils sont tous sur des réseaux où ils pensent que « tout le monde est ». Mais, sans communiquer entre eux, ne sont pas d’accord sur quel est le réseau où tout le monde est. J’ai eu des étudiants qui ne jurent que par Instagram et d’autres qui n’ont jamais eu de compte. J’ai eu un étudiant qui est sur Facebook Messenger et sur Signal, mais n’a jamais éprouvé le besoin d’être sur Whatsapp. À côté de lui, un autre étudiant n’avait tout simplement jamais entendu parler de Signal. Il n’y a que Discord qui semble faire l’unanimité.</p> <p>Celleux qui utilisaient Signal disaient tou·te·s qu’iels regrettaient que Signal ne soit pas plus utilisé. Et bien, le 1er février, c’est l’occasion !</p> <figure> <a href="/files/whatsapp_signal.png"><img alt="Le 1er février, migrez de Whatsapp vers Signal" src="/files/whatsapp_signal.png" width="450" class="center"></a> <figcaption>Le 1er février, migrez de Whatsapp vers Signal</figcaption> </figure> <p>Alors, c’est peut-être le moment d’arrêter de jouer au bon petit consultant McKinsey ! Surtout si vous n’êtes pas payé pour ça…</p> <div class="signature"><p>Je suis <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ploum">Ploum</a> et je viens de publier <a href="https://bikepunk.fr">Bikepunk</a>, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, <a href="https://pvh-editions.com/ploum">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) !</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser <a href="/atom_fr.xml">mon flux RSS francophone</a> ou <a href="/atom.xml">le flux RSS complet</a>.</p> </div> Ploumhttps://ploum.net Ne venez pas dire que vous n’étiez pas prévenus… https://ploum.net/2025-01-20-vous-etiez-prevenus.html 2025-01-20T00:00:00Z 2025-01-20T00:00:00Z <h1>Ne venez pas dire que vous n’étiez pas prévenus…</h1> <h2 id="soustitre-1">…c’est juste que vous pensiez ne pas être concernés</h2> <p>Depuis des décennies, je fais partie de ces gens qui tentent d’alerter sur les terrifiantes possibilités qu’offre l’aveuglement technologique dans lequel nous sommes plongés.</p> <p>Je croyais que je devais expliquer, informer encore et encore.</p> <p>Je découvre avec effroi que même ceux qui comprennent ce que je dis n’agissent pas. Voire agissent dans le sens contraire. Les électeurs de Trump, pour la plupart, savent très bien ce qui va arriver. Les artistes défendent Facebook et Spotify. Les politiciens les plus à gauche restent accrochés à X comme leur seule fenêtre sur le monde. Pourtant, ils sont prévenus ! </p> <p>C’est juste qu’ils croient qu’ils ne sont pas concernés. C’est juste que nous pensons naïvement que ça n’arrive qu’aux autres. Que nous sommes, d’une manière ou d’une autre, parmi ceux qui seront les privilégiés.</p> <p>Je suis un homme. Blanc. Cisgenre. Avec un très bon diplôme. Une très bonne situation. Dans un des endroits les plus protégés, les plus démocratiques. Bref, je serai parmi les tout derniers à souffrir des effets combinés de la politique et de la technologie.</p> <p>Et j’ai peur. Je suis terrifié.</p> <h2 id="soustitre-2">J’ai peur de l’espionnage permanent</h2> <p>Nous nous soumettons volontairement et presque consciemment à un espionnage permanent. Je vous avais déjà raconté que même les distributeurs de boissons font de la reconnaissance faciale ! </p> <ul> <li><a href="/2024-03-15-lectures-mensonges.html">Lectures : Une société de mensonges (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Comme le souligne Post Tenebras Lire, la réalité ressemble de plus en plus à mon roman Printeurs.</p> <ul> <li><a href="https://post-tenebras-lire.net/printeurs-ploum/">Printeurs - Ploum - (post-tenebras-lire.net)</a></li> </ul> <p>Mais la réalité a complètement dépassé la fiction, le cas le plus emblématique étant ce qui arrive aux Ouïghours qui sont contrôlés en permanence, dont la moindre image postée sur les réseaux sociaux (même si elle a été effacée depuis des années) peut servir d’excuse pour être enfermé. </p> <ul> <li><a href="https://outsiderland.com/danahilliot/terror-capitalism-sur-un-livre-de-darren-byler-au-sujet-des-ouighours-au-xinjiang/">Terror Capitalism : sur un livre de Darren Byler au sujet des Ouïghours au Xinjiang (outsiderland.com)</a></li> </ul> <p>Fuir les réseaux sociaux ? C’est trop tard pour eux, car le simple fait de ne pas avoir un smartphone est considéré comme suspect. Tout comme, en France, le fait d’utiliser Signal a déjà été considéré comme un élément à charge suffisant pour suspecter l’utilisateur d’écoterrorisme. (une seule solution pour contrer cela: migrer massivement vers Signal !)</p> <p>Je le dis et je le répète : vous avez le droit de quitter les réseaux sociaux propriétaires. Vous avez le droit de désinstaller Whatsapp pour Signal. Si vous avez le moindre doute, je vous garantis que vous vous sentirez nettement mieux après.</p> <ul> <li><a href="/2023-10-29-le-droit-de-supprimer-twitter.html">Pourquoi j’ai supprimé mon compte Twitter (et pourquoi vous pouvez probablement en faire autant sans hésiter) (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Ne venez pas dire que vous n’étiez pas prévenus. </p> <h2 id="soustitre-3">J’ai peur de l’uniformisation abrutie</h2> <p>Les algorithmes des plateformes propriétaires leur permettent de vous imposer leur choix, leur vision du monde. X/Twitter cache les démocrates et met Trump en avant pendant les élections. Facebook cache le moindre bout de nichon, mais promeut les nazis. Ce n’est donc pas une surprise d’apprendre que Spotify fait exactement la même chose en générant de la musique qui est ensuite imposée dans les playlists, surtout celle qui sont de type &quot;musique de fond/musique d’ambiance&quot;.</p> <p>De cette manière, ils ne doivent pas payer de royalties aux musiciens. Qui n’en touchent déjà pas beaucoup.</p> <ul> <li><a href="https://www.honest-broker.com/p/the-ugly-truth-about-spotify-is-finally">The Ugly Truth About Spotify Is Finally Revealed (www.honest-broker.com)</a></li> </ul> <p>Je suis un pirate. Lorsque je découvre un groupe qui me parle, je télécharge plusieurs albums illégalement en MP3. Si j’aime bien, j’achète les MP3 légaux sans DRM (ce que permet Bandcamp par exemple). Je suis un pirate, mais en achetant l’album directement, je fais plus pour l’artiste plus que des centaines voire des milliers de streams.</p> <p>Le CEO de Spotify gagne chaque année plus d’argent que Taylor Swift. Il est plus riche que Paul McCartney ou Mick Jagger après 50 ans de carrière chacun.</p> <p>Les pirates sont aux artistes ce que les immigrés sont aux pauvres : un bouc émissaire bien pratique. Et, en attendant, Amazon et Spotify tuent les artistes et nous baignent dans une mélasse uniformisée.</p> <p>C’est bien pour ça que l’IA semble si intéressante pour le business : c’est, par définition, une production de mélasse fade et uniforme.</p> <ul> <li><a href="https://ludic.mataroa.blog/blog/i-will-fucking-piledrive-you-if-you-mention-ai-again/">I Will Fucking Piledrive You If You Mention AI Again (ludic.mataroa.blog)</a></li> </ul> <p>IA qui sont entraînées en utilisant… les bases de données pirates ! Car, oui, Meta a entrainé ses IA sur la base de données libgen.is.</p> <ul> <li><a href="https://www.wired.com/story/new-documents-unredacted-meta-copyright-ai-lawsuit/">Meta Secretly Trained Its AI on a Notorious Piracy Database, Newly Unredacted Court Docs Reveal (www.wired.com)</a></li> </ul> <p>Ne venez pas dire que vous n’étiez pas prévenus. </p> <p>Rappel: libgen.is est aux livres ce que thepiratebay est aux films. Une gigantesque bibliothèque pirate, un bastion de préservation de la culture. Je n’exagère pas : lors d’un dîner, mon ami Henri Lœvenbruck m’a parlé d’un livre assez vieux qui n’était plus édité et qui était devenu introuvable. Même dans les bibliothèques, les bouquineries et les catalogues en ligne, il ne parvenait pas à mettre la main sur ce livre. Livre que j’ai trouvé, devant lui, sur libgen.is en quelques secondes.</p> <p>Ceux que vous accusez d’être des pirates sont les défenseurs, les protecteurs et les diffuseurs de la culture humaine. Et puisque Meta utilise libgen.is pour entrainer ses IA, ce n’est plus vraiment du piratage, vous avez moralement le droit d’utiliser cette bibliothèque partagée. Sur laquelle, soit dit en passant, je vous encourage à découvrir mes livres si vous ne voulez/pouvez pas les payer.</p> <ul> <li><a href="https://libgen.is/fiction/?q=ploum&criteria=&language=&format=">Ploum sur Library Genesis (libgen.is)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-4">J’ai peur de voir disparaitre la démocratie </h2> <p>Tous les experts le clament depuis 25 ans : le vote électronique enterre complètement la démocratie.</p> <ul> <li><a href="/157-pour-ou-contre-le-vote-electronique/index.html">Pour ou contre le vote électronique ? (ploum.net)</a></li> </ul> <p>La tricherie n’a même pas besoin d’être subtile ni même plausible. Le marketing et la politique ont découvert que les 5% d’intellectuels qui s’indignent ne pèsent pas lourd. Que le reste de la population ne demande qu’une chose : qu’on leur mente !</p> <ul> <li><a href="/2024-10-24-ils-nous-mentent.html">Ils nous mentent (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Les personnes qui mettent en place le vote électronique sont des gens malhonnêtes qui espèrent en tirer profit sans se rendre compte que leurs adversaires peuvent faire de même.</p> <p>Ou alors des complets crétins.</p> <p>Mais les deux ne sont pas incompatibles.</p> <p>Dans tous les cas, ce sont les fossoyeurs de la démocratie.</p> <p>Il est presque certain que Trump a triché pour être élu en piratant les systèmes de vote.</p> <ul> <li><a href="https://www.planetcritical.com/p/cyber-security-experts-warn-election-hacked/">Cyber-Security Experts Warn Election Was Hacked (www.planetcritical.com)</a></li> </ul> <p>J’en étais convaincu depuis bien avant l’élection. Pourquoi ? Tout simplement parce que Georges W. Bush l’a fait avant lui en 2000 et que ça a très bien fonctionné. Le CEO de Diebold, la société en charge de construire les ordinateurs de vote, avait d’ailleurs déclaré à l’époque qu’il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour que Georges W. Bush soit élu.</p> <p>Georges W. Bush a d’ailleurs perdu cette élection. Sur absolument tous les critères. Mais Al Gore a préféré reconnaître une défaite mathématiquement impossible en Floride pour éviter des débordements de violence.</p> <ul> <li><a href="https://jacobin.com/2020/10/trump-coup-florida-2000-recount">To Stop an Electoral Coup, Study What Went Wrong in the 2000 Florida Recount (jacobin.com)</a></li> </ul> <p>La tricherie et la violence ont permis à Georges W Bush de devenir président à la place d’Al Gore, ce qui a consacré cette stratégie électorale et durablement orienté le monde entier.</p> <ul> <li><a href="/et-si-al-gore-etait-devenu-president-des-etats-unis-en-2000/index.html">Et si Al Gore était devenu président des États-Unis en 2000 ? (ploum.net)</a></li> </ul> <p>Grâce au vote électronique et aux connexions de Trump avec la Silicon Valley (Elon Musk, Peter Thiel, …), Trump avait la possibilité de tricher très facilement.</p> <p>La question n’est donc pas de savoir s’il l’a fait, mais « Qu’est-ce qui l’aurait empêché de le faire ? »</p> <p>Réponse : rien.</p> <p>Ne vous demandez pas s’il est probable que Trump ait triché, mais, au contraire, s’il est probable qu’il ne l’ait pas fait.</p> <p>Résumons : l’équipe de Trump avait clairement les moyens de pirater le vote électronique. Elle avait les données nécessaires (souvenez-vous d’Elon Musk offrant un million de dollars dans une tombola en échange des données personnelles des votants). Et Trump a obtenu un résultat statistiquement incroyablement improbable : gagner les sept swing states en gagnant juste les comtés les plus disputés avec juste ce qu’il faut de marge pour éviter un recompte et avec entre 5% et 7% de &quot;bullet votes&quot; (des bulletins juste pour Trump, mais ne participant pas aux autres élections) alors que la norme pour les &quot;bullet votes&quot; est entre… 0,05% et 1% dans les cas extrêmes (ce qui est le cas dans les comtés moins disputés). Le tout en ayant exactement le même nombre de voix que lors de l’élection de 2020.</p> <p>EDIT: après recomptage, il semblerait que l’argument des &quot;bullet votes&quot; ne tiennent pas complètement la route. Le fond ne change pas mais toute triche, si avérée, ne serait pas aussi statistiquement évidente. Voir l’article suivant écrit suite au premier.</p> <ul> <li><a href="https://www.planetcritical.com/p/election-fraud-debunked">Election Fraud Debunked? (www.planetcritical.com)</a></li> </ul> <p>Mais vous savez quoi ?</p> <p>Cela ne change rien. Parce que depuis Al Gore, on sait que les républicains trichent à outrance et que les démocrates, pour être élus, ne doivent pas juste remporter l’élection : ils doivent la gagner à un tel point que même les tricheries ne soient pas suffisantes. Cela ne veut pas dire que les démocrates ne trichent pas. Mais juste qu’ils le font moins bien ou qu’ils ont une certaine retenue quand ils le font.</p> <p>La tromperie et la menace de violence gouvernent. Pendant que les politiciens vaguement plus progressistes/humanistes perdent les élections en tentant d’obtenir des followers sur des réseaux sociaux propriétaires totalement contrôlés par leur ennemi juré. Ils sont peut-être moins malhonnêtes, mais totalement crétins.</p> <p>Ne venez pas dire que vous n’étiez pas prévenus. C’est juste que vous pensiez ne pas être concernés.</p> <ul> <li><a href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/30257395/">Photo par Cris Ramos</a></li> </ul> <div class="signature"><p>Je suis <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ploum">Ploum</a> et je viens de publier <a href="https://bikepunk.fr">Bikepunk</a>, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, <a href="https://pvh-editions.com/ploum">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) !</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser <a href="/atom_fr.xml">mon flux RSS francophone</a> ou <a href="/atom.xml">le flux RSS complet</a>.</p> </div> Ploumhttps://ploum.net Mon collègue Julius https://ploum.net/2024-12-23-julius-fr.html 2024-12-23T00:00:00Z 2024-12-23T00:00:00Z <h1>Mon collègue Julius</h1> <ul> <li><a href="/2024-12-23-julius-en.html">Translation in English</a></li> <li><a href="https://lazygyu.net/blog/my_colleague_julius">Lazygyu의 한국어 번역</a></li> </ul> <p>Vous connaissez Julius ? Mais si, Julius ! Vous voyez certainement de qui je veux parler ! </p> <p>J’ai rencontré Julius à l’université. Un jeune homme discret, sympathique, le sourire aux lèvres. Ce qui m’a d’abord frappé chez Julius, outre ses vêtements toujours parfaitement repassés, c’est la qualité de son écoute. Il ne m’interrompait jamais, acceptait de s’être trompé et répondait sans hésiter à toutes mes interrogations.</p> <p>Il allait à tous les cours, demandait souvent les notes des autres pour « comparer avec les siennes » comme il disait. Et puis il y eut le fameux projet informatique. Nous devions, en équipe, coder un logiciel système assez complexe en utilisant le langage C. Julius participait à toutes nos réunions, mais je ne me souviens pas de l’avoir vu écrire une seule ligne de code. Au final, je crois qu’il s’est contenté de faire la mise en page du rapport. Qui était très bien.</p> <p>De par sa prestance et son élégance, Julius était tout désigné pour faire la présentation finale. Je suis sûr qu’il a fait du théâtre, car, à son charisme naturel, il ajoute une diction parfaite. Il émane de sa personne une impression de confiance innée.</p> <p>À tel point que les professeurs n’ont pas tout de suite réalisé le problème lorsqu’il s’est mis à parler de la machine virtuelle C utilisée dans notre projet. Il avait intégré dans la présentation un slide avec un logo que je n’avais jamais vu, un screenshot et des termes n’ayant aucun rapport avec quoi que ce soit de connu en informatique.</p> <p>Pour celleux qui ne connaissent pas l’informatique, le C est un langage compilé. Il n’a pas besoin d’une machine virtuelle. Parler de machine virtuelle C, c’est comme parler du carburateur d’une voiture électrique. Cela n’a tout simplement aucun sens.</p> <p>Je me suis levé, j’ai interrompu Julius et j’ai improvisé en disant qu’il s’agissait d’une simple blague entre nous. « Bien entendu ! » a fait Julius en me regardant avec un grand sourire. Le jury de projet était perplexe, mais j’ai sauvé les meubles.</p> <p>Durant toutes nos études, j’ai entendu plusieurs professeurs discuter du « cas Julius ». Certains le trouvaient très bon. D’autres disaient qu’il avait des lacunes profondes. Mais, malgré des échecs dans certaines matières, il a fini par avoir son diplôme en même temps que moi.</p> <p>Nos chemins se sont ensuite séparés durant plusieurs années.</p> <p>Alors que je travaillais depuis presque une décennie dans une grande entreprise où j’avais acquis de belles responsabilités, mon chef m’a annoncé que les recruteurs avaient trouvé la perle rare pour renforcer l’équipe. Un CV hors-norme m’a-t-il dit.</p> <p>À la coupe parfaite de son costume, à sa démarche et sa prestance, je reconnus Julius avant même de voir son visage.</p> <p>Julius ! Mon vieux camarade !</p> <p>Si j’avais vieilli, il semblait avoir mûri. Toujours autant de charisme, d’assurance. Il portait désormais une barbe de trois jours légèrement grisonnante qui lui donnait un air de sage autorité. Il semblait sincèrement content de me revoir.</p> <p>Nous parlâmes du passé et de nos carrières respectives. Contrairement à moi, Julius n’était jamais resté très longtemps dans la même entreprise. Il partait après un an, parfois moins. Son CV était impressionnant : il avait acquis diverses expériences, il avait touché à tous les domaines de l’informatique. À chaque fois, il montait en compétence et en salaire. Je devais découvrir plus tard que, alors que nous occupions une position similaire, il avait été engagé pour le double de mon salaire. Plus des primes dont j’ignorais jusqu’à l’existence.</p> <p>Mais je n’étais pas au courant de cet aspect des choses lorsque nous nous mîmes au travail. Au début, je tentai de le former sur nos projets et nos process internes. Je lui donnais des tâches sur lesquelles il me posait des questions. Beaucoup de questions pas toujours très pertinentes. Avec ce calme olympien et cet éternel sourire qui le caractérisait. </p> <p>Parfois il prenait des initiatives. Écrivait du code ou de la documentation. Il avait réponse à toutes les questions que nous pouvions nous poser, quel que soit le domaine. C’était quelquefois très bon, souvent médiocre voire du grand n’importe quoi. Il nous a fallu un certain temps pour comprendre que chacune des contributions de Julius nécessitait d’être entièrement revue et corrigée par un autre membre de l’équipe. Si nous ne connaissions pas le domaine, il fallait le faire vérifier par un expert externe. Très vite, le mot d’ordre fut qu’aucun document issu de Julius ne devait être rendu public avant d’avoir été relu par deux d’entre nous.</p> <p>Mais Julius excellait dans la mise en page, la présentation et la gestion des réunions. Régulièrement, mon chef s’approchait de moi et me disait : « On a vraiment de la chance d’avoir ce Julius ! Quel talent ! Quel apport à l’équipe ! »</p> <p>J’essayais vainement d’expliquer que Julius ne comprenait rien à ce que nous faisions, que nous en étions au point où nous l’envoyions à des réunions inutiles pour nous en débarrasser afin de ne pas avoir à répondre à ses questions et corriger son travail. Mais même cette stratégie avait ses limites.</p> <p>Il nous a fallu une semaine de réunion de crises pour expliquer à un client déçu par une mise à jour de notre logiciel que, si Julius avait promis que l’interface serait simplifiée pour ne comporter qu’un seul bouton qui ferait uniquement ce que voulait justement le client, il y avait un malentendu. Qu’à part développer une machine qui lisait dans les pensées, c’était impossible de répondre à des besoins aussi complexes que les siens avec un seul bouton.</p> <p>C’est lorsque j’ai entendu Julius prétendre à un autre client, paniqué à l’idée de se faire « hacker », que, par mesure de sécurité, nos serveurs connectés à Internet n’avaient pas d’adresse IP que nous avons du lui interdire de rencontrer un client seul.</p> <p>Pour celleux qui ne connaissent pas l’informatique, le &quot;I&quot; de l’adresse IP signifie Internet. La définition même d’Internet est l’ensemble des ordinateurs interconnectés possédant une adresse IP.</p> <p>Être sur Internet sans adresse IP, c’est comme prétendre être joignable par téléphone sans avoir de numéro.</p> <p>L’équipe s’était désormais organisée pour que l’un d’entre nous ait en permanence la charge d’occuper Julius. Je n’ai jamais voulu dire du mal à son sujet, car c’était mon ami. Une codeuse exaspérée a cependant exposé le problème à mon chef. Qui lui a répondu en l’accusant de jalousie, car il était très satisfait du travail de Julius. Elle a reçu un blâme et a démissionné un peu après.</p> <p>Heureusement, Julius nous a un jour annoncé qu’il nous quittait, car il avait reçu une offre qu’il ne pouvait pas refuser. Il a apporté des gâteaux pour fêter son dernier jour avec nous. Mon chef et tout le département des ressources humaines étaient sincèrement tristes de le voir partir.</p> <p>J’ai dit au revoir à Julius et ne l’ai plus jamais revu. Sur son compte LinkedIn, qui est très actif et reçoit des centaines de commentaires, l’année qu’il a passée avec nous est devenue une expérience incroyable. Il n’a pourtant rien exagéré. Tout est vrai. Mais sa façon de tourner les mots et une certaine modestie mal camouflée donne l’impression qu’il a vraiment apporté beaucoup à l’équipe. Il semblerait qu’il soit ensuite devenu adjoint de la CEO puis CEO par intérim d’une startup qui venait d’être rachetée par une multinationale. Un journal économique a fait un article à son sujet. Après cet épisode, il a rejoint un cabinet ministériel. Une carrière fulgurante !</p> <p>De mon côté, j’ai essayé d’oublier Julius. Mais, dernièrement, mon chef est venu avec un énorme sourire. Il avait rencontré le commercial d’une boîte qui l’avait ébahi par ses produits. Des logiciels d’intelligence artificielle qui allait, je cite, doper notre productivité !</p> <p>J’ai désormais un logiciel d’intelligence artificielle qui m’aide à coder. Un autre qui m’aide à chercher des informations. Un troisième qui résume et rédige mes emails. Je n’ai pas le droit de les désactiver.</p> <p>À chaque instant, à chaque seconde, j’ai l’impression d’être entouré par Julius. Par des dizaines de Julius. </p> <p>Je dois travailler cerné par des Julius. Chaque clic sur mon ordinateur, chaque notification sur mon téléphone semble provenir de Julius. Ma vie est un enfer pavé de Julius.</p> <p>Mon chef est venu me voir. Il m’a dit que la productivité de l’équipe baissait dangereusement. Que nous devrions utiliser plus efficacement les intelligences artificielles. Que nous risquions de nous faire dépasser par les concurrents qui, eux, utilisent à n’en pas douter les toutes dernières intelligences artificielles. Qu’il avait mandaté un consultant pour nous installer une intelligence artificielle de gestion du temps et de la productivité.</p> <p>Je me suis mis à pleurer. « Encore un Julius ! » ai-je sangloté.</p> <p>Mon chef a soupiré. Il m’a tapoté l’épaule et m’a dit : « Je comprends. Moi aussi je regrette Julius. Il nous aurait certainement aidés à passer ce moment difficile. »</p> <ul> <li><a href="https://mamot.fr/@eti42b@mastodon.social/113675679701829415">Inspiré par un post d’Étienne sur Mastodon</a></li> <li><a href="https://betterimagesofai.org/images?artist=MaxGruber&title=Clickworker3d-printed">Image de Max Gruber/Better Images of AI</a></li> </ul> <div class="signature"><p>Je suis <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ploum">Ploum</a> et je viens de publier <a href="https://bikepunk.fr">Bikepunk</a>, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, <a href="https://pvh-editions.com/ploum">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) !</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser <a href="/atom_fr.xml">mon flux RSS francophone</a> ou <a href="/atom.xml">le flux RSS complet</a>.</p> </div> Ploumhttps://ploum.net My colleague Julius https://ploum.net/2024-12-23-julius-en.html 2024-12-23T00:00:00Z 2024-12-23T00:00:00Z <h1>My colleague Julius</h1> <ul> <li><a href="/2024-12-23-julius-fr.html">Traduction en français</a></li> <li><a href="https://lazygyu.net/blog/my_colleague_julius">Lazygyu의 한국어 번역</a></li> </ul> <p>Do you know Julius? You certainly know who I’m talking about!</p> <p>I met Julius at university. A measured, friendly young man. He always wore a smile on his face. What struck me about Julius, aside from his always perfectly ironed clothes, was his ability to listen. He never interrupted me. He accepted gratefully when he was wrong. He answered questions without hesitation.</p> <p>He attended all the classes and often asked for our notes to &quot;compare with his own&quot; as he said. Then came the infamous computer project. As a team of students, we had to code a fairly complex system software using the C language. Julius took part in all our meetings but I don’t remember witnessing him write a single line of code. In the end, I think he did the report formatting. Which, to his credit, was very well done.</p> <p>Because of his charisma and elegance, Julius was the obvious choice to give the final presentation.</p> <p>He was so self-confident during the presentation that the professors didn’t immediately notice the problem. He had started talking about the C virtual machine used in our project. He even showed a slide with an unknown logo and several random screenshots which had nothing to do with anything known in computing.</p> <p>For those who don’t know about computing, C is a compiled language. It doesn’t need a virtual machine. Talking about a C virtual machine is like talking about the carburettor of an electric vehicle. It doesn’t make sense.</p> <p>I stood up, interrupted Julius and improvised by saying it was just a joke. “Of course!” said Julius, looking at me with a big smile. The jury was perplexed. But I saved the day.</p> <p>Throughout our studies, I’ve heard several professors discuss the “Julius case.” Some thought he was very good. Others said he was lacking a fundamental understanding. Despite failing some classes, he ended up graduating with me.</p> <p>After that, our paths went apart for several years.</p> <p>I’ve been working for nearly a decade at a large company where I had significant responsibilities. One day, my boss announced that recruiters had found a rare gem for our team. An extraordinary resume, he told me.</p> <p>From the perfect cut of his suit, I recognised Julius before seeing his face.</p> <p>Julius! My old classmate!</p> <p>If I had aged, he had matured. Still charismatic and self-assured. He now sported a slightly graying three-day beard that gave him an air of wise authority. He genuinely seemed happy to see me.</p> <p>We talked about the past and about our respective careers. Unlike me, Julius had never stayed very long in the same company. He usually left after a year, sometimes less. His resume was impressive: he had gained various experiences, touched on all areas of computing. Each time, he moved up in skills and salary. I would later discover that, while we held similar positions, he had been hired at twice my salary. He also got bonuses I didn’t even know existed.</p> <p>But I wasn’t aware of this aspect when we started working together. At first, I tried to train him on our projects and internal processes. I assigned him tasks on which he would ask me questions. Many questions, not always very relevant ones. With his characteristic calm and his signature smile.</p> <p>He took initiatives. Wrote code or documentation. He had answers to all the questions we could ask, regardless of the field. Sometimes it was very good, often mediocre or, in some cases, complete nonsense. It took us some time to understand that each of Julius’s contributions needed to be completely reviewed and corrected by another team member. If it was not our field of expertise, it had to be checked externally. We quickly had a non-written rule stating that no document from Julius should leave the team before being proofread by two of us.</p> <p>But Julius excelled in formatting, presentation, and meeting management. Regularly, my boss would come up to me and say, “We’re really lucky to have this Julius! What talent! What a contribution to the team!”</p> <p>I tried, without success, to explain that Julius understood nothing of what we were doing. That we had reached the point where we sent him to useless meetings to get rid of him for a few hours. But even that strategy had its limits.</p> <p>It took us a week of crisis management meetings to calm down a customer disappointed by an update of our software. We had to explain that, if Julius had promised that the interface would be simplified to have only one button that would do exactly what the client wanted, there was a misunderstanding. That aside from developing a machine that read minds, it was impossible to meet his complex needs with just one button.</p> <p>We decided to act when I heard Julius claim to a customer, panicked at the idea of being &quot;hacked&quot;, that, for security reasons, our servers connected to the Internet had no IP address. We had to forbid him from meeting a client alone.</p> <p>For those who don’t know about computing, the &quot;I&quot; in IP address stands for Internet. The very definition of the Internet is the network of interconnected computers that have an IP address.</p> <p>Being on the Internet without an IP address is like claiming to be reachable by phone without having a phone number.</p> <p>The team was reorganised so that one of us was always responsible for keeping Julius occupied. I never wanted to speak ill of him because he was my friend. An exasperated programmer had no such restraint and exposed the problem to my boss. Who responded by accusing her of jealousy, as he was very satisfied with Julius’s work. She was reprimanded and resigned shortly after.</p> <p>Fortunately, Julius announced that he was leaving because he had received an offer he couldn’t refuse. He brought cakes to celebrate his last day with us. My boss and the entire human resources department were genuinely sad to see him go.</p> <p>I said goodbye to Julius and never saw him again. On his LinkedIn account, which is very active and receives hundreds of comments, the year he spent with us became an incredible experience. He hasn’t exaggerated anything. Everything is true. But his way of turning words and a kind of poorly concealed modesty gives the impression that he really contributed a lot to the team. He later became the deputy CEO then interim CEO of a startup that had just been acquired by a multinational. An economic newspaper wrote an article about him. After that episode, he joined the team of a secretary of state. A meteoric career!</p> <p>On my side, I tried to forget Julius. But, recently, my boss came to me with a huge smile. He had met the salesperson from a company that had amazed him with its products. Artificial intelligence software that would, I quote, boost our productivity!</p> <p>I now have an artificial intelligence software that helps me code. Another that helps me search for information. A third one that summarises and writes my emails. I am not allowed to disable them.</p> <p>At every moment, every second, I feel surrounded by Julius. By dozens of Juliuses.</p> <p>I have to work in a mist of Juliuses. Every click on my computer, every notification on my phone seems to come from Julius. My life is hell paved with Juliuses.</p> <p>My boss came to see me. He told me that the team’s productivity was dangerously declining. That we should use artificial intelligence more effectively. That we risked being overtaken by competitors who, without a doubt, were using the very latest artificial intelligence. That he had hired a consultant to install a new time and productivity management artificial intelligence.</p> <p>I started to cry. “Another Julius!” I sobbed.</p> <p>My boss sighed. He patted my shoulder and said, “I understand. I miss Julius too. He would certainly have helped us get through this difficult time.”</p> <ul> <li><a href="https://betterimagesofai.org/images?artist=MaxGruber&title=Clickworker3d-printed">Picture by Max Gruber/Better Images of AI</a></li> </ul> <div class="signature"><p>I’m <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ploum">Ploum</a>, a writer and an engineer. I like to explore how technology impacts society. You can subscribe <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">by email</a> or <a href="/atom_en.xml">by rss</a>. I value privacy and never share your adress.</p> <p>I write <a href="https://pvh-editions.com/ploum">science-fiction novels in French</a>. For <a href="https://bikepunk.fr">Bikepunk</a>, my new post-apocalyptic-cyclist book, my publisher is looking for contacts in other countries to distribute it in languages other than French. If you can help, <a href="about.html">contact me</a>!</p> </div> Ploumhttps://ploum.net L’urgence de soutenir l’énergie du libre https://ploum.net/2024-12-18-april.html 2024-12-18T00:00:00Z 2024-12-18T00:00:00Z <h1>L’urgence de soutenir l’énergie du libre</h1> <blockquote> Éditorial rédigé pour le Lama déchaîné n°9, l’hebdomadaire réalisé par l’April afin d’alerter sur la précarité financière de l’association. J’étais limité à 300 mots. Pour un bavard comme moi, c’est un exercice très difficile ! (il est déchaîné… hi hi hi ! Elle est amusante celle-là, je viens de la comprendre )<br></blockquote> <ul> <li><a href="https://april.org/campagne/numero/9/">Le Lama déchaîné n°9</a></li> </ul> <p>Montée de l’extrémisme, catastrophes climatiques, crises politiques et sociales, guerres. Entre ces urgences, est-il encore raisonnable de consacrer de l’énergie au logiciel libre, aux communs numériques et culturels? Ne devrait-on pas revoir nos priorités?</p> <p>Le raccourci est dangereux.</p> <p>Ne faut-il pas au contraire revenir aux fondamentaux, réfléchir à l’infrastructure même de notre société?</p> <p>Contrairement à ce que nous serinent les magnats de l’industrie, la technologie n’est jamais neutre. Elle porte en elle sa propre idéologie. Par essence, l’extrême centralisation de nos outils Internet préfigure la centralisation d’un pouvoir autoritaire fasciste. L’ubiquité du modèle publicitaire rend la croissance et l’hyperconsommation incontournable. Ces deux piliers se rejoignent et se complètent dans la normalisation de l’espionnage technologique permanent.</p> <p>Si nous voulons changer de direction, si nous voulons apprendre à limiter notre consommation des ressources naturelles, à écouter et respecter nos différences, à bâtir des compromis démocratiques, il est urgent et indispensable de nous attaquer à la racine: notre infrastructure de communication et d’échange. De libérer le réseau qui nous relie, qui relie nos données, nos échanges commerciaux, nos pensées, nos émotions.</p> <p>Rejoindre un groupe anticapitaliste sur Facebook, poster des vidéos zéro déchet sur Instagram ou utiliser l’infrastructure Outlook pour les mails de son syndicat sont des actes qui participent activement à promouvoir, justifier et perpétuer le système qu’ils cherchent, naïvement, à dénoncer.</p> <p>Ce n’est pas un hasard si les discussions sur le Fediverse et le réseau Mastodon parlent de cyclisme, d’écologie, de féminisme. Parce que la technologie libre et décentralisée porte sa propre idéologie. Parce qu’elle arrive à se maintenir, à effrayer les plus gros monopoles que le capitalisme ait jamais engendrés, et cela malgré le fait qu’elle ne tienne que grâce à des bouts de ficelle et l’énergie de quelques personnes sous-payées ou bénévoles.</p> <p>Lorsque tout semble aller de travers, il faut se concentrer sur les racines, les fondamentaux. L’infrastructure, l’éducation. C’est pourquoi je pense que les actions de l’April, la Quadrature du Net, Framasoft, la Contre-voie et toutes les associations libristes ne sont pas simplement importantes.</p> <p>Elles sont vitales, cruciales.</p> <p>Le libre n’est pas un luxe, c’est une urgence absolue.</p> <blockquote> — Et alors, hi hi hi, Ploum a dit : il est… hi hi hi… Il est déchaîné !<br> — Par pitié, faites un don à l’April sinon il va la raconter de nouveau !<br></blockquote> <ul> <li><a href="https://enventelibre.org/fr/dons/273-dons-april.html">Faire un don à l’April</a></li> <li><a href="https://don.laquadrature.net/fr">Faire un don à la Quadrature du Net</a></li> <li><a href="https://framasoft.org/fr/#support">Faire un don à Framasoft</a></li> <li><a href="https://lacontrevoie.fr/participer/#don">Faire un don à la Contre-Voie</a></li> </ul> <blockquote> Il est déchaîné… hi hi hi…<br></blockquote> <ul> <li><a href="https://ptilouk.net/">Le dessin du Lama est de Gee et sous licence CC By-SA</a></li> </ul> <div class="signature"><p>Je suis <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ploum">Ploum</a> et je viens de publier <a href="https://bikepunk.fr">Bikepunk</a>, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, <a href="https://pvh-editions.com/ploum">achetez mes livres</a> (si possible chez votre libraire) !</p> <p>Recevez directement par mail <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/fr.listes.ploum.net/">mes écrits en français</a> et <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">en anglais</a>. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser <a href="/atom_fr.xml">mon flux RSS francophone</a> ou <a href="/atom.xml">le flux RSS complet</a>.</p> </div> Ploumhttps://ploum.net 20 years of Linux on the Desktop (part 2) https://ploum.net/2024-12-16-linux_desktop2.html 2024-12-16T00:00:00Z 2024-12-16T00:00:00Z <h1>20 years of Linux on the Desktop (part 2)</h1> <blockquote> Previously in &quot;20 years of Linux on the Deskop&quot; : Looking to make the perfect desktop with GNOME and Debian, a young Ploum finds himself joining a stealth project called &quot;no-name-yet&quot;. The project is later published under the name &quot;Ubuntu&quot;.<br></blockquote> <ul> <li><a href="/2024-10-20-20years-linux-desktop-part1.html">20 years of Linux on the Desktop (part 1)</a></li> </ul> <h2 id="soustitre-1">Flooded with Ubuntu CD-ROMs</h2> <p>The first official Ubuntu release was 4.10. At that time, I happened to be the president of my University LUG: LouvainLiNux. LouvainLiNux was founded a few years before by Fabien Pinckaers, Anthony Lesuisse and Benjamin Henrion as an informal group of friends. After they graduated and left university, Fabien handled me all the archives, all the information and told me do continue the work while he was running his company that would, much later, becomes Odoo. With my friend Bertrand Rousseau, we decided to make Louvain-Li-Nux a formal and enduring organisation known as &quot;KAP&quot; (Kot-à-Projet). Frédéric Minne designed the logo by putting the student hat (&quot;calotte&quot;) of Fabien on a penguin clipart.</p> <ul> <li><a href="https://www.louvainlinux.org/">Louvain-Li-Nux</a></li> </ul> <p>In 2005 and 2006, we worked really hard to organise multiple install parties and conferences. We were also offering resources and support. At a time where broadband Internet was not really common, the best resource to install GNU/Linux was an installation CD-ROM.</p> <p>Thanks to Mark Shuttleworth’s money, Ubuntu was doing something unprecedented: sending free CD-ROMs of Ubuntu to anyone requesting them. Best of all: the box contained two CD-ROMs. A live image and an installation CD. Exactly how I dreamed it (I’m not sure if the free CD-ROMs started with 4.10, 5.04 or even 5.10).</p> <p>I managed to get Louvain-Li-Nux recognised as an official Ubuntu distributor and we started to receive boxes full of hundreds of CD-ROMs with small cardboard dispensers. We had entire crates of Ubuntu CD-ROMs. It was the easiest to install. It was the one I knew the best and I had converted Bertrand (before Fabien taught me about Debian, Bertrand tried to convert me to Mandrake, which he was using himself. He nevertheless spent the whole night with me when I installed Debian for the first time, not managing to configure the network because the chipset of my ethernet card was not the same as the one listed on the box of said card. At the time, you had to manually choose which module to load. It was another era, kids these days don’t know what they are missing).</p> <p>With Louvain-Li-Nux, we literally distributed hundreds of CD-ROMs. I’ve myself installed Ubuntu on tenths of computers. It was not always easy as the market was pivoting from desktop computers to laptops. Laptops were starting to be affordable and powerful enough. But laptops came with exotic hardware, wifi, Bluetooth, power management, sleep, hibernate, strange keyboard keys and lots of very complex stuff that you don’t need to handle on a desktop computer with a RJ-45 hole.</p> <p>Sound was a hard problem. I remember spending hours on a laptop before realising there was a hardware switch. To play multiple sounds at the same time, you needed to launch a daemon called ESD. Our frustration with ESD would lead Bertrand and I to trap Lennart Poetering in a cave in Brussels to spend the whole night drinking beers with him while swearing we would wear a &quot;we love Lennart&quot; t-shirt during FOSDEM in order to support is new Polypaudio project that was heavily criticised at the time. Spoiler: we never did the t-shirt thing but Polypaudio was renamed Pulseaudio and succeeded without our support. </p> <p>Besides offering beers to developers, I reported all the bugs I experienced and worked hard with Ubuntu developers. If I remember correctly, I would, at some point, even become the head of the &quot;bug triaging team&quot; (if such a position ever existed. It might be that someone called me like that to flatter my ego). Selected as a student for the Google Summer of Code, I created a python client for Launchpad called &quot;Conseil&quot;. Launchpad had just replaced Bugzilla but, as I found out after starting Conseil, was not open source and had no API. I learned web scrapping and was forced to update Conseil each time something changed on Launchpad side.</p> <p>The most important point about Bugzilla and Launchpad was the famous bug #1. Bug #1, reported by sabdfl himself, was about breaking Microsoft monopoly. It could be closed once it would be considered that any computer user could freely choose which operating system to use on a newly bought computer.</p> <h2 id="soustitre-2">The very first book about Ubuntu</h2> <p>Meanwhile, I was contacted by a French publisher who stumbled upon my newly created blog that I mainly used to profess my love of Ubuntu and Free Software. Yes, the very blog you are currently reading.</p> <p>That French publisher had contracted two authors to write a book about Ubuntu and wanted my feedback about the manuscript. I didn’t really like what I read and said it bluntly. Agreeing with me, the editor asked me to write a new book, using the existing material if I wanted. But the two other authors would remain credited and the title could not be changed. I naively agreed and did the work, immersing myself even more in Ubuntu.</p> <p>The result was « Ubuntu, une distribution facile à installer », the very first book about Ubuntu. I hated the title. But, as I have always dreamed of becoming a published author, I was proud of my first book. And it had a foreword by Mark Shuttleworth himself.</p> <p>I updated and rewrote a lot of it in 2006, changing its name to &quot;Ubuntu Efficace&quot;. A later version was published in 2009 as &quot;Ubuntu Efficace, 3ème édition&quot;. During those years, I was wearing Ubuntu t-shirts. In my room, I had a collection of CD-ROMs with each Ubuntu version (I would later throw them, something I still regret). I bootstrapped &quot;Ubuntu-belgium&quot; at FOSDEM. I had ploum@ubuntu.com as my primary email on my business card and used it to look for jobs, hoping to set the tone. You could say that I was an Ubuntu fanatic.</p> <figure> <a href="/files/old/ubuntube_fosdem.jpg"><img alt="The very first Ubuntu-be meeting. I took the picture and gimped a quick logo." src="/files/old/ubuntube_fosdem.jpg" width="450" class="center"></a> <figcaption>The very first Ubuntu-be meeting. I took the picture and gimped a quick logo.</figcaption> </figure> <p>Ironically, I was never paid by Canonical and never landed a job there. The only money I received for that work was from my books or from Google through the Summer of Code (remember: Google was still seen as a good guy). I would later work for Lanedo and be paid to contribute to GNOME and LibreOffice. But never to contribute to Ubuntu nor Debian.</p> <h2 id="soustitre-3">In the Ubuntu and GNOME community with Jeff Waugh</h2> <p>Something which was quite new to me was that Ubuntu had a &quot;community manager&quot;. At the time, it was not the title of someone posting on Twitter (which didn’t exist). It was someone tasked with putting the community together, with being the public face of the project.</p> <p>Jeff Waugh is the first Ubuntu community manager I remember and I was blown away by his charism. Jeff came from the GNOME project and one of his pet issues was to make computers easier. He started a trend that would, way later, gives birth to the infamous GNOME 3 design.</p> <p>You have to remember that the very first fully integrated desktop on Linux was KDE. And KDE had a very important problem: it was relying on the Qt toolkit which, at the time, was under a non-free license. You could not use Qt in a commercial product without paying Trolltech, the author of Qt.</p> <p>GNOME was born as an attempt by Miguel de Icaza and Federico Mena to create a KDE-like desktop using the free toolkit created for the Gimp image editor: Gtk. </p> <p>This is why I liked to make the joke that the G in GNOME stands for Gtk, that the G in Gtk stands for Gimp, that the G in Gimp stands for GNU and that the G in GNU stands for GNU. This is not accurate as the G in GNOME stands for GNU but this makes the joke funnier. We, free software geeks, like to have fun.</p> <p>Like its KDE counterpart, GNOME 1 was full of knobs and whistles. Everything could be customised to the pixel and to the milliseconds. Jeff Waugh often made fun of it by showing the preferences boxes and asking the audience who wanted to customise a menu animation to the millisecond. GNOME 1 was less polished than KDE and heavier than very simple window managers like Fvwm95 or Fvwm2 (my WM of choice before I started my quest for the perfect desktop).</p> <figure> <a href="/files/fvwm.jpg"><img alt="Screenshot from my FVWM2 config which is still featured on fvwm.org, 21 years later" src="/files/fvwm.jpg" width="450" class="center"></a> <figcaption>Screenshot from my FVWM2 config which is still featured on fvwm.org, 21 years later</figcaption> </figure> <p>With GNOME 2, GNOME introduced its own paradigm and philosophy: GNOME would be different from KDE by being less customisable but more intuitive. GNOME 2 opened a new niche in the Linux world: a fully integrated desktop for those who don’t want to tweak it.</p> <p>KDE was for those wanting to customise everything. The most popular distributions featured KDE: Mandrake, Red Hat, Suse. The RPM world. There was no real GNOME centric distribution. And there was no desktop distribution based on Debian. As Debian was focused on freedom, there was no KDE in Debian. </p> <p>Which explains why GNOME + Debian made a lot of sense in my mind.</p> <p>As Jeff Waugh had been the GNOME release manager for GNOME 2 and was director of the GNOME board, having him as the first Ubuntu community manager set the tone: Ubuntu would be very close to GNOME. And it is exactly what happened. There was a huge overlap between GNOME and Ubuntu enthusiasts. As GNOME 2 would thrive and get better with each release, Ubuntu would follow.</p> <p>But some people were not happy. While some Debian developers had been hired by Canonical to make Ubuntu, some others feared that Ubuntu was a kind of Debian fork that would weaken Debian. Similarly, Red Hat had been investing lot of time and money in GNOME. I’ve never understood why, as Qt was released under the GPL in 2000, making KDE free, but Red Hat wanted to offer both KDE and GNOME. It went as far as tweaking both of them so they would look perfectly identical when used on Red Hat Linux. Red Hat employees were the biggest pool of contributors to GNOME.</p> <p>There was a strong feeling in the atmosphere that Ubuntu was piggybacking on the work of Debian and Red Hat.</p> <p>I didn’t really agree as I thought that Ubuntu was doing a lot of thankless polishing and marketing work. I liked the Ubuntu community and was really impressed by Jeff Waugh. Thanks to him, I entered the GNOME community and started to pay attention to user experience. He was inspiring and full of energy.</p> <figure> <a href="/files/old/fosdem_jdub.jpg"><img alt="Drinking a beer with Jeff Waugh and lots of hackers at FOSDEM. I’m the one with the red sweater." src="/files/old/fosdem_jdub.jpg" width="450" class="center"></a> <figcaption>Drinking a beer with Jeff Waugh and lots of hackers at FOSDEM. I’m the one with the red sweater.</figcaption> </figure> <h2 id="soustitre-4">Benjamin Mako Hill</h2> <p>What I didn’t realise at the time was that Jeff Waugh’s energy was not in infinite supply. Mostly burned out by his dedication, he had to step down and was replaced by Benjamin Mako Hill. That’s, at least, how I remember it. A quick look at Wikipedia told me that Jeff Waugh and Benjamin Mako Hill were, in fact, working in parallel and that Jeff Waugh was not the community manager but an evangelist. It looks like I’ve been wrong all those years. But I choose to stay true to my own experience as I don’t want to write a definitive and exhaustive history.</p> <p>Benjamin Mako Hill was not a GNOME guy. He was a Debian and FSF guy. He was focused on the philosophical aspects of free software. His intellectual influence would prove to have a long-lasting effect on my own work. I remember fondly that he introduced the concept of &quot;anti-features&quot; to describe the fact that developers are sometimes working to do something against their own users. They spend energy to make the product worse. Examples include advertisement in apps or limited-version software. But it is not limited to software: Benjamin Mako Hill took the example of benches designed so you can’t sleep on them, to prevent homeless person to take a nap. It is obviously more work to design a bench that prevents napping. The whole anti-feature concept would be extended and popularised twenty years later by Cory Doctorow under the term &quot;enshitification&quot;.</p> <p>Benjamin Mako Hill introduced a code of conduct in the Ubuntu community and made the community very aware of the freedom and philosophical aspects. While I never met him, I admired and still admire Benjamin. I felt that, with him at the helm, the community would always stay true to its ethical value. Bug #1 was the leading beacon: offering choice to users, breaking monopolies.</p> <h2 id="soustitre-5">Jono Bacon</h2> <p>But the one that would have the greatest influence on the Ubuntu community is probably Jono Bacon who replaced Benjamin Mako Hill. Unlike Jeff Waugh and Benjamin Mako Hill, Jono Bacon had no Debian nor GNOME background. As far as I remember, he was mostly unknown in those communities. But he was committed to communities in general and had very great taste in music. I’m forever grateful for introducing me to Airbourne.</p> <p>With what feels like an immediate effect but probably lasted months or years, the community mood switched from engineering/geek discussions to a cheerful, all-inclusive community.</p> <p>It may look great on the surface but I hated it. The GNOME, Debian and early Ubuntu communities were shared-interest communities. You joined the community because you liked the project. The communities were focused on making the project better.</p> <p>With Jono Bacon, the opposite became true. The community was great and people joined the project because they liked the community, the sense of belonging. Ubuntu felt each day more like a church. The project was seen as less important than the people. Some aspects would not be discussed openly not to hurt the community.</p> <p>I felt every day less and less at home in the Ubuntu community. Decisions about the project were taken behind closed doors by Canonical employees and the community transformed from contributors to unpaid cheerleaders. The project to which I contributed so much was every day further away from Debian, from freedom, from openness and from its technical roots.</p> <p>But people were happy because Jono Bacon was such a good entertainer.</p> <p>Something was about to break…</p> <p>(to be continued)</p> <blockquote> Subscribe by email or by rss to get the next episodes of &quot;20 years of Linux on the Desktop&quot;.<br> <br> I’m currently turning this story into a book. I’m looking for an agent or a publisher interested to work with me on this book and on an English translation of &quot;Bikepunk&quot;, my new post-apocalyptic-cyclist typewritten novel which sold out in three weeks in France and Belgium. <br></blockquote> <div class="signature"><p>I’m <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ploum">Ploum</a>, a writer and an engineer. I like to explore how technology impacts society. You can subscribe <a href="https://listes.ploum.net/mailman3/lists/en.listes.ploum.net/">by email</a> or <a href="/atom_en.xml">by rss</a>. I value privacy and never share your adress.</p> <p>I write <a href="https://pvh-editions.com/ploum">science-fiction novels in French</a>. For <a href="https://bikepunk.fr">Bikepunk</a>, my new post-apocalyptic-cyclist book, my publisher is looking for contacts in other countries to distribute it in languages other than French. If you can help, <a href="about.html">contact me</a>!</p> </div>