Écologie et Tortillas
par Ploum le 2007-05-05
Une différence culturelle qui me marque profondément est l’absence total de conscience écologique dans la société mexicaine.
Tout d’abord, tous les Mexicains roulent dans d’énormes 4×4, des vans monstrueux ou dans les tristement célèbres Humvee. Chez nous, force est de constater que rouler en 4×4 est devenu presqu’une insulte. Ici, il n’y a tout simplement que ça. Bonjour les les gaz à effet de serre.
Mais ce qui m’a marqué le plus cruellement est l’absence complète de recyclage. Ici, pas de sacs poubelle payants comme en Belgique mais, également, pas de bulles à verre, pas de parcs à containers, pas de recyclages cartons, papiers, PVC : absolument tout part à la poubelle. Cela va à l’encontre de tout mon endoctrinement et, sans exagérer, je dois à chaque fois me forcer pour arriver à mettre, la main tremblante, un journal, une boîte en carton ou une bouteille dans la poubelle.
On descend dans les tréfonds de l’horreur en faisant ses courses au supermarché. Au Mexique, vous n’emballez jamais vos courses vous-même. À chaque caisse un jeune de 12-13 ans mets vos affaires dans les sacs plastiques pour vous en échange d’un peu de monnaie[1]. Seulement, ici les sacs plastiques sont tous petits et contiennent chacun entre 2 et 3 articles. Après des grosses courses, vous vous retrouver alors avec une trentaine de sacs en plastique qui partent immédiatement à la poubelle. Sacs en carton ? Sacs réutilisables ? À d’autres…
En fait, la notion même d’écologie est négative : un parti politique « vert » est très mal vu et la nourriture bio (« organica ») à une connotation très péjorative. Manger « organica » fait peur et en dégoûte plus d’un (un comble !).
Mais alors, tous les mexicains sont-ils des cochons pollueurs sans scrupules ? Bien sûr que non ! Certains vont faire leur course avec leurs propres sacs en plastique, achètent des petits voitures. Mais selon mon expérience, il s’agit d’initiatives personnelles qui ne sont même pas encouragées et sortent de la norme.
Quand on y réfléchit, cet état de fait était exactement le même chez nous il y a une grosse dizaine d’années : des dizaines de sacs plastiques, la mode des Range Rover, des sacs poubelles gratuits, un recyclage quasi-nul (on avait quand même les bulles à verre). Mais quel fût donc le déclencheur de cet heureux changement ? De cette conscientisation progressive ? Les politiques ? Les médias ? Mais les politiques et les journalistes sont des hommes comme les autres. Pourquoi se seraient-il levés un matin en disant « il faut faire qqch pour la planète » ?
Bref, il me semble important de découvrir ce facteur de changement. Cela nous permettrait de l’appliquer par exemple ici, au Mexique. Ou bien chez nous pour aller un peu plus loin : acheter des produits avec moins d’emballages, admettre que marcher 500 mètres n’est pas une perte de temps (surtout si on compte le temps pour se garer) et tout ce qu’il est bien de faire pour retrouver un monde de Bisounours.
Dans l’autre sens, je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec la triste image qu’ont une bonne partie de mes compatriotes européens des États-Unis : c’est le pays le plus pollueur du monde, ils en ont rien à foutre, ce sont des gros cons, etc…[2] Peut-on en vouloir à des gens qui ne sont pas conscientisés alors que nous ne le sommes que depuis peu ? Que pensaient les Suédois de nous il y a 10 ans ? (et toujours maintenant en fait)
Et, plus profondément, la réflexion m’interpelle. Je suis convaincu que l’écologie est une valeur primordiale, que nous devons protéger notre terre. Et qu’il faut convaincre (« conscientiser ») les vilains pollueurs que ce qu’ils font est mal. Mais en quoi puis-je imposer mon point de vue ? En quoi suis-je différent de tous ces croyants qui veulent me convaincre de la justesse de leur superstition, qui veulent me faire prendre conscience que je pollue mon âme et que je dois la préserver ?
Argh ! Ça y est ! Je déconne, j’ai des palpitations ! Pitié, donnez moi un sac pour trier les PMC, donnez moi des bulles pour les verres blancs et les verres de couleurs, donnez un monceau d’immondices que je puisse trier et après Gros Calin descendra sur son nuage et me dira que j’ai sauvé la forêt Amazonienne et les baleines bleues. Vous pourrez bien entendu ensuite remettre le tout dans un grand sac pour les poubelles mexicaines.
Mais au moins, j’aurais bonne conscience…
Notes
[1] d’ailleurs, chez nous cela arrive aussi parfois quand les scouts ont besoin d’argent. ça me donne un coup de vieux tiens…
[2] En dehors du fait que les USA sont gigantesques et qu’on trouve depuis des villes ultras-écologiques aux grosses industries pollueuses et qu’il est réducteur de tout assimiler à une nationalité
Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) !
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