Vélo et machine à écrire, petite eulogie de la satiété

par Ploum le 2024-10-08

Et si nous avions assez ?

Un des premiers lecteurs de Bikepunk à l’impression de retrouver le personnage de Thy dans Grant Petersen, un fabricant de vélos inusables et anti-compétitifs.

Ça me touche et me rassure quant au message que je tente de porter dans le livre. Grant Petersen pourrait parfaitement arborer l’adage que je mets en conclusion de Bikepunk : « Je ne crains pas la fin du monde, j’ai un vélo ».

Le blog de Grant Petersen est passionnant. Dans le dernier billet, on y trouve notamment la photo d’un journal contenant une interview avec José Mujica, l’ancien président de l’Uruguay (celui qui vivait dans sa petite maison et allait accomplir son travail de président à pieds).

Une phrase m’a frappé :

Prenez l’Uruguay. L’Uruguay compte 3,5 millions d’habitants. Mais importe 27 millions de paires de chaussures. Nous produisons de la merde (garbage) et souffrons au travail. Pour quoi ?

C’est quelque chose que j’essayais déjà d’articuler dans mon TEDx en 2015, qui est très populaire sur Youtube (mais je n’en tire aucun bénéfice et je vous mets le lien Peertube).

La production, c’est littéralement transformer notre environnement en déchets (l’étape de consommation intermédiaire étant très limitée). Toutes nos usines, tous nos centres commerciaux, tous nos experts en marketing ne font qu’une chose : tenter de convertir notre planète en déchet le plus rapidement possible.

À partir de quand considérerons-nous que nous avons assez ?

Le côté "anti-déchet/conçu pour durer" est l’un des aspects qui me passionnent avec les machines à écrire. Elles ne sont plus produites, mais sont tellement résistantes que toutes celles qui ont été produites sont aujourd’hui suffisantes pour alimenter un marché restreint (mais existant).

En fait, les machines à écrire ont été tellement produites pour durer que, durant la Seconde Guerre mondiale, les fabricants de machines les rachetaient aux particuliers afin de fournir l’armée qui en avait un gigantesque besoin.

Je trouve un point commun fascinant entre les réflexions de Grant Petersen sur le vélo, José Mujica sur la politique, Paul Watson sur la faune marine, Richard Stallman sur le logiciel, Richard Polt sur les machines à écrire et même Bruno Leyval sur l’art graphique. Tous, outre le fait que ce sont des hommes blancs barbus, ont refusé le principe même de croissance. Chacun, à son niveau, tente de poser la question : « Et si nous avions assez ? »

Ils sont perçus comme extrémistes. Mais n’est-ce pas la quête infinie de gloire et de richesse qui est un extrême morbide ?

Dans un idéal poétique, je me rends compte que je n’ai besoin de rien d’autre qu’un vélo, une machine à écrire et une bonne bibliothèque. Marrant, ça me fait justement penser à un roman sur le sujet qui sort le 15 octobre. Je vous en ai déjà parlé ? Vous l’avez déjà précommandé ?

Addendum sur les précommandes de livre

La raison pour laquelle ces précommandes sont importantes est que, contrairement à certains mastodontes de l’édition, mon éditeur PVH ne peut se permettre de financer des piles de 30 livres dans chaque librairie pour forcer les libraires à tenter de les vendre, quitte à en envoyer la moitié au pilon par après (ce qui va arriver à la moitié de l’immense pile de best-sellers dans l’entrée de votre librairie). Pour la plupart des livres moins connus, le libraire ne l’aura donc pas de stock ou en prendra un seul. Ce qui fait qu’un livre peu connu reste toujours peu connu.

Si, par contre, un libraire reçoit deux ou trois précommandes pour un livre pas encore sorti, sa curiosité est titillée. Il va potentiellement en commander plus au distributeur. Il va sans doute le lire et, parfois, le mettre en avant (honneur suprême que mon recueil de nouvelles « Stagiaire au spatioport Omega 3000 » a eu la chance de connaître à la chouette librairie/salon de thé Maruani à Paris).

Quelques libraires commandant un titre particulier, ça attire l’attention du distributeur et du diffuseur. Qui se disent que le livre a du potentiel et en parle avec les autres libraires. Qui le lisent et, parfois, le mettent en avant. La boucle est bouclée…

C’est bien sûr moins efficace que d’imprimer 100.000 exemplaires d’un coup, de les vendre dans les supermarchés et de mettre des affiches partout dans le métro avec des phrases grandiloquentes sorties de nulle part : « Le dernier livre événement de Ploum, le nouveau maître du thriller cycliste ».

On est d’accord que les publicités dans le métro, c’est moche. De toute façon, des histoires de machine à écrire et de vélo, ça n’intéresse probablement pas 100.000 personnes (quoique mon éditeur ne serait pas contre…).

Mais je pense que ça pourrait vraiment toucher celleux qui aiment flâner dans les libraires, leur vélo adossé à la devanture, et qui pourraient avoir l’œil attiré par une couverture brillante, flashy, sur laquelle se découpe une cycliste chaleureuse en papier recyclé…

Celleux qui aiment se poser avec un livre et qui se demandent parfois : « Et si nous avions assez ? »

Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.

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