La complainte du technopunk ringard

par Ploum le 2025-11-17

Certains d’entre vous me lisent en étant abonnés via RSS ou via la newsletter. D’autres tombent par hasard sur certains de mes billets lorsque ceux-ci sont partagés sur des forums ou des réseaux sociaux. Peut-être que ce billet est le premier que vous découvrez de ce blog ! Si c’est le cas, bienvenue !

Mais il existe une troisième catégorie de lecteurs et lectrices : celles et ceux qui, tout simplement, se décident à aller de temps en temps sur ce site pour voir si j’ai publié des articles et si les titres les intéressent.

Étant moi-même accro au RSS, fréquentant des blogueurs qui parlent de leur nombre d’abonnés, de leurs mailings-listes, j’oublie trop souvent que cette simple solution est possible. C’est un lecteur qui me l’a expliqué lors d’une séance de dédicaces :

— Je suis ton blog depuis des années, j’ai presque tout lu depuis au moins 10 ans !
— Ah, génial. Tu es abonné au RSS ?
— Non.
— À la mailing-liste ?
— Non.
— Tu me suis sur Mastodon ?
— Non, je n’utilise pas les réseaux sociaux.
— Comment tu fais alors pour me suivre ?
— Ben, de temps en temps, je me demande si t’as écrit un article et je tape « www.ploum.net » dans la barre de mon navigateur et je rattrape mon retard.
— …

Enfoncé le ploum ! Lorsqu’on est le nez dans le guidon comme moi, on oublie parfois la simplicité, la liberté du web. Influencé malgré moi par une faune linkedinesque de junkies des statistiques, j’oublie trop souvent qu’un billet de blog s’adresse aussi (et même avant tout) à des personnes qui ne me connaissent pas, qui n’ont pas lu tous mes billets depuis 6 mois, qui ne savent pas ce qu’est le protocole Gemini.

Le papillonnage, la sérendipité sont l’essence de l’être humain. Et, cerise sur le gâteau, il est impossible de comptabiliser, de quantifier ce genre de lecteurs. Un usage autrefois normal, mais aujourd’hui incroyablement rebelle et anticapitaliste du web. Un usage technopunk !

La fin des crĂŞtes

Non, je n’ai jamais porté de crête colorée ni de veste à clous. Mais je roule à vélo ! D’ailleurs, mon dernier roman s’intitule « Bikepunk ».

Dans son livre « L’odyssée du pingouin cannibale », le dandy punk Yann Kerninon fait une analyse intéressante du mouvement punk. Si celui-ci était indéniablement provocant et choquant dans les années 70, il est devenu ensuite la norme. Hurler, baiser et se bourrer la gueule ne sont que des choses normales, divertissantes. Kurt Cobain, héritier du mouvement punk, s’est suicidé lorsqu’il a compris que sa rébellion, son dégoût du système n’était qu’un énième spectacle consolidant le système en question.

La crête colorée n’est plus choquante, au contraire, elle rapportera des likes sur Instagram ! Ce qui devient punk, ce qui choque, c’est d’envoyer chier toutes les métriques, de refuser les diktats (des réseaux) sociaux, d’utiliser un dumbphone, de ne pas être sur Whatsapp, de ne pas être au courant des résultats des matchs de foot ni même du nom de l’émission de télé à la mode.

Essayez et vous verrez que votre entourage vous regardera avec un air d’incompréhension totale. De choc !

Alors que si vous hurlez « No Future » sur une place, je suis sûr que les passants vous filmeront pour récolter des likes.

Le rejet de la mode

La philosophie punk, à la base, c’est le refus total de la mode, de la tendance. Être technopunk, c’est donc se passionner pour les technologies vieilles, ennuyantes, sans budget marketing.

Terence Eden parle de ces technologies ouvertes qui existent en arrière-plan, n’attendant que l’occasion propice pour révéler leur utilité. La radio amateur. Les QR codes, qui ont soudain été popularisés durant la pandémie, parce que soudainement nécessaire.

Il en est de même selon lui pour le Fediverse : personne ne le remarque encore. Mais il est là et le restera jusqu’au moment où on aura besoin de lui. Le rachat de Twitter aurait pu être ce moment. Cela n’a pas été le cas. C’est pas grave, ce sera pour la prochaine fois.

Car les gens sont des moutons crétins. Celleux partis de Twitter sont allés sur Bluesky juste parce que le marketing prétendait que c’était « décentralisés ». Et puis c’était nouveau tout en étant exactement pareil.

J’avais, à l’époque alerté sur le fait que Bluesky était aussi décentralisé que la cryptomonnaie Ripple : c’est-à-dire pas du tout.

À ce tarif, Facebook est également décentralisé : ben oui, leur infrastructure repose sur des serveurs redondants décentralisés. Vous croyez que j’exagère ?

Patatas vient de découvrir que l’équipe Bluesky travaille en secret sur des algorithmes pour cacher certaines réponses qui ne plaisent pas.

Et comme le dit Patatas, il y a bien des tentatives de créer des solutions indépendantes pour se connecter au réseau BS, mais, premièrement, c’est très compliqué et, deuxièmement, presque personne ne les utilisera et donc c’est comme si elles n’existaient pas.

Je le dis depuis 2023 : Bluesky n’est pas décentralisé et ne peut, pas sa conception même, pas l’être. Le protocole AT n’est qu’un écran de fumée pour faire croire aux programmeurs qui ne creusent pas trop que la décentralisation future est crédible. C’est un outil marketing.

Ces technologies qui attendent leur moment

C’est pareil pour le protocole XMPP, qui permet de chatter de manière décentralisée depuis 20 ans. Les gens préfèrent Whatsapp ? Pas grave, XMPP attendra d’être vraiment indispensable. Ou cette mode absurde de passer les salons de discussions sur des technologies propriétaires, y compris pour les communautés Open Source. Slack, Telegram maintenant Discord. La plus-value par rapport à un serveur IRC est à peu près nulle. C’est juste du marketing ! (oui, mais les émojis sont plus jolis… ta gueule !)

C’est aussi pour cela que j’aime tellement le réseau Gemini. C’est littéralement technopunk !

Quoi ? C’est compliqué ? Faut faire un effort ? C’est pas joli ? C’est élitiste ? Et tu crois qu’entretenir une crête colorée sur le sommet de son crâne, c’est à la portée de tout le monde ? Bien sûr qu’être technopunk ça demande un effort. Tu voudrais que tout soit facile, sans apprendre et joli justement dans l’esthétique à la mode que t’impose un marketeux défoncé ? Mais retourne dans les jupes de Zuckerberg !

Devoir apprendre et pouvoir apprendre sont des éléments indissociables de la low-tech !

La ligne de commande, ça aussi c’est punk. C’est pas joli, mais c’est hyper efficace : toute personne qui te voit utiliser ton ordinateur part en hurlant. Tes proches font venir un exorciste.

C’est pas pour rien que j’ai créé un navigateur web et gemini qui fonctionne en ligne de commande. Il s’appelle… Offpunk !

Oui, je lis les blogs et le web en ligne de commande. Rien à battre de vos polices de caractères choisies avec amour, de vos mises en pages CSS, de vos javascript pourris. On n’a de toute façon pas les mêmes goûts !

Punk et politique

La philosophie punk, opposition frontale au Thatcherisme, est indissociable de la politique. Et la technologie est complètement politique. Les GAFAM sont désormais complètement fascistes, comme le résume très bien mart-e.

Tu te disais ptêtre parfois que si t’avais vécu sous Pétain en 43, t’aurais été résistant. Ben si tu utilises les GAFAMs parce que plus facile/plus joli/tout le monde le fait/pas le choix, j’ai le regret de t’informer que non. T’es pas du tout résistant. En fait, tu es en train de mettre une affiche « travail - famille - patrie » sur la porte de ta maison. Exactement pour les mêmes raisons que ceux qui l’ont fait à l’époque.

Cyberpunk

C’est pas pour rien que le genre dystopique qui a accompagné l’essor d’Internet s’appelle… Cyberpunk. « Cyberpunk » est également le nom d’un récent essai d’Asma Mhalla qui décrit parfaitement la situation : nous vivons dans une dystopie fasciste avec une idéologie très assumée et si tu n’en ressens pas les effets, c’est juste que t’es pas encore dans les populations visées, que tu te plies bien à tout, que t’as ton petit compte Gmail, Whatsapp, Facebbok et Microsoft pour bien faire comme tout le monde en espérant que ta blancheur de peau, ton hétérosexualité cisgenre et ton compte en banque te permettent de passer entre les gouttes.

T’as essayé de n’avoir aucun de ces comptes ? De ne pas avoir un smartphone Apple ou Android ? Et bien tu verras comme de simples choses comme payer un ticket de bus ou ouvrir un compte en banque sont compliquèes, comme tu deviens un paria pour ne pas simplement obéir aux règles édictées par une poignée de multinationales fascistes !

À propos de cyberpunk, la version audio de mon roman Printeurs est désormais gratuite sur Les Mille Mondes :

Syfy le décrit comme « encore plus sombre et anticapitaliste » que le Neuromancien de Gibson. Et il est sous licence libre, disponible sur toutes les bonnes plateformes pirates. Parce que Fuck Ze System !

Bon, après, si t’es un bourgeois qui peut se permettre de lâcher une tite pièce, n’hésite pas à le commander chez ton libraire ou sur le site PVH.

Parce que les livres papiers et les libraires, ça, c’est vraiment hyper technopunk, mon adelphe !

Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) !

Recevez directement par mail mes écrits en français et en anglais. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser mon flux RSS francophone ou le flux RSS complet.


Permalinks:
https://ploum.net/2025-11-17-techpunk.html
gemini://ploum.net/2025-11-17-techpunk.gmi